Voilà bien longtemps que je n’avais approché Jean-Christophe Grangé, dont j’avais adoré les premiers romans, mais qui m’avait semblé tourner ensuite un peu en rond, se répétant quelque peu et ne m’éblouissant plus par ses histoires. Et puis son dernier né est paru et j’ai décidé de tenter à nouveau l’expérience Grangé, mais en livre audio cette fois-ci. Et j’ai été totalement prise au piège, envoutée par cette histoire.
Il semble que le format audio y soit pour grande part. Alors que je n’ai pas du tout aimé la voix du narrateur, Benoit Marchand, les 5 premières minutes d’écoute, je l’ai ensuite adorée. B. Marchand a une diction un peu sèche, presque hachée, lente, mais qui correspond parfaitement à la violence du roman et qui fait contrepoids au stress qui monte tout au long de l’histoire. Il intériorise les personnages, étant tout à tour Passan, le flic solitaire et torturé, sa femme Naoko, ou l’horrible accoucheur, mais il atténue aussi l’horreur des faits par sa diction.
Car elle est horrible, cette histoire ! Imaginez un détraqué qui chasse des femmes enceintes, les tue en les éventrant avant de bruler le fœtus qu’elles portent. Imaginez un flic qui lui courre après depuis des mois, persuadé de sa culpabilité, mais n’ayant aucune preuve flagrante pour le mettre en examen ; imaginez la hiérarchie bornée, les rouages de l’administration qui se mettent en travers de son enquête. Il vous faut savoir aussi que ce flic, cet Olivier Passan têtu, que dis-je, borné, n’est pas si net que ça, que son passé lui colle à la peau et que l’enquête le renvoie à ses propres démons, bien mal enterrés. Qu'il prend des libertés avec la loi et avec sa fonction. Qu’en ce moment, ça ne va pas fort du tout avec sa femme Naoko, car ils sont en pleine procédure de divorce. Qu’il voudrait à tout prix protéger ses deux enfants qu’il sent menacés. Qu’il a l’impression que l’accoucheur lui en veut personnellement, qu’il se sent traqué comme si c’était lui le gibier…
J’ai beaucoup aimé le caractère torturé de cet homme, entier mais déchiré. J’ai aimé son amour du Japon, un pays qui pourtant ne m’attire absolument pas, un amour passionnel. Je l’ai aimé raconter son passé, sa rencontre avec la belle japonaise qu’il épousera, puis la lente dégradation de son couple. Le Japon est comme un personnage à part entière de l’histoire, qui d’ailleurs y poursuit sa route. Car le Mal semble venir de là-bas. C’est de ce pays du bout du monde que vient la menace qui effraie tant Passan et c’est là qu’il y trouvera les réponses.
Mais même si je me suis laissée prendre à cette histoire à l’intrigue soutenue qui ne laisse pas au lecteur un instant de répit, j’ai cependant été très déçue, car le roman ne semble pas être un tout. Je m’explique : Passan poursuit l’accoucheur, puis est entrainé sur une enquête différente, qu’on imagine parallèle, dans laquelle on cherche les ramifications, les liens avec la première. Or il n’y a pas de lien entre elles et on a l’impression que ce sont deux romans bien distincts qui ont été collés dans un seul gros livre. À tout moment, je m’attendais à une allusion qui relierait les deux, à une explication, qui malheureusement n’est jamais venue. Alors oui, ce polar énergique se lit (s’écoute, dans mon cas) avec grand plaisir, mais m’a cependant laissée sur ma faim…
Mais dans la case des plus, j’ai beaucoup aimé la profondeur psychologique des personnages : l’accoucheur dont on comprend pourquoi il agit ainsi, Passan et ses angoisses, sa femme, la belle et mystérieuse japonaise, secrète… J’ai aimé le tour personnel, très personnel que prend l’histoire et les relents du passé qu’elle remue, ainsi que le dénouement, la traque finale du Mal (sauf les dernières lignes, à l’eau de rose à mon goût) et la voix de B. Marchand m’a fait trembler et vibrer de plaisir en même temps, me laissant imaginer les scènes comme si j’avais été devant un écran de cinéma. Car Grangé écrit « visuel » : impossible de ne pas voir le film que ce roman pourrait devenir !
Bref, une belle expérience, avec juste une petite pointe de déception, car ce roman, qui à mon sens tient bien la route, aurait pu être génialissime si les deux enquêtes s’étaient enrichies, nourries l’une de l’autre, plutôt que de les avoir laissées simplement à la suite l’une de l’autre.
PS : un Kaïken est un sabre japonais.
Merci 1000 fois à Chloé des Editions Audiolib pour cet envoi !