Deux ans quasiment jour après jour après l'interruption brutale de la carrière de Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fond Monétaire International, voici Christine Lagarde menacée d'une mise en examen sur une affaire bien différente.
Les directeurs généraux du FMI sont-ils à ce point maudits quand ils sont français ?
Passées les premières heures du choc de l'arrestation le 14 mai 2011, il était rapidement entendu que DSK ne recouvrirait jamais ses fonctions à la tête du FMI.
Nous eûmes la honte, le drame, le feuilleton à épisodes.
Deux ans plus tard, DSK sillonne le globe comme il peut pour monétiser sa présence à des conférences. Et fait l'objet d'un film potentiellement glauquissime où Gérard Depardieu, nouveau citoyen russe, incarne son personnage.
Deux ans plus tard, Christine Lagarde est convoquée à Paris pour une audition devant la Cour de Justice de la République. Selon Le Monde, "l'ancienne ministre de l'économie et des finances de Nicolas Sarkozy (2007-2011) a en effet reçu une convocation, prévoyant son audition jeudi 23 et vendredi 24 mai, en vue d'une mise en examen pour 'complicité de faux et détournement de fonds publics'." Pire, le gouvernement est d'accord pour contester cet arbitrage initial. Il a viré Jean-François Rocchi, alors président du Consortium de réalisation, un proche de Claude Guéant (sic!). Il a aussi écarté l'avocat de l'époque.
On imagine qu'une droite criera au complot ou à la vengeance. Pourtant, l'affaire ne date pas d'hier, mais d'il y a plus de deux ans.
Lagarde est soupçonnée d'avoir favorisé le règlement par l'arbitrage du litige qui opposait Bernard Tapie au CDR, l'établissement chargé de liquider les actifs toxiques du Crédit Lyonnais. En résumé, sur instructions gouvernementales, les responsables du CDR ont accepté d'abandonner les plaintes pour préférer le recours à l'arbitrage. Une procédure qui se solde par une condamnation ... du CDR, hors normes, pour 403 millions d'euros, dont 240 M€ au titre du
préjudice matériel ; 105 M€ pour les intérêts légaux sur préjudice
matériel ; 45 M€ au titre du préjudice moral ; et 13 M€ de frais de
liquidation.
En mai 2011, quelques semaines avant qu'elle ne remporte la désignation à la tête du FMI, nous nous interrogions. Mais comment pouvait-elle être nommée avec l'ampleur d'une affaire qui la concernait au premier chef ?
A l'époque, les principales accusations contre Christine Lagarde n'étaient pas minces:
1. Avant l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence, Bernard Tapie était en mauvaise posture, et le CDR pensait l'emporter en justice. Début 2007, le CDR refuse le recours à l'arbitrage proposé par les avocats de Bernard Tapie suggèrent une procédure
d'arbitrage. Après l'élection de Sarkozy, le CDR change d'avis. Le directeur de cabinet de Lagarde de l'époque ne cache pas le changement d'orientation. Début septembre, un projet de compromis est même établi. Il est validé en octobre par le conseil d'administration. Il comprend le nom des trois
arbitres. La Cour des Comptes mentionnera plus tard sa surprise, car « la pratique courante pour le choix des arbitres nʼa pas été suivie ».
2. La version finale du compromis d'arbitrage, signée en novembre 2007, est différente de celle approuvée par les administrations du CDR en
octobre, et sur un point majeur : le plafond de la demande
d'indemnisation des époux Tapie, fixé à 50 millions d'euros, ne
concerne plus que l'indemnisation du préjudice moral.
3. En juillet 2008, les trois arbitres condamnent le
Crédit Lyonnais. Malgré l'énormité des dommages financiers, le CDR refuse tout recours en annulation, sur instruction du cabinet de la ministre
Lagarde. Le Conseil d'Etat n'est même pas saisi.La Cour des Comptes notera plus tard que la gouvernance du CDR a été affaiblie par des démissions.
L'ancienne ministre est paraît-il inquiète avant ses auditions des 23 et 24 mai. Elle aurait confié n'avoir été que l'instrument de Nicolas Sarkozy.
Quelle surprise...