Sain de corps et d'esprit, comblé d'amour par sa femme et par ses enfants, Dominique Venner, hier, un peu après 16 heures, s'est donné la mort, en se tirant une balle dans la bouche.
Cet acte, accompli au soir de sa vie, est de "ces gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques", qu'il appellait de ses voeux le jour même sur son blog et qui sont nécessaires "pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines".
Ainsi a-t-il offert ce qui lui restait de vie - il avait 78 ans depuis un peu plus d'un mois - "en
intention de protestation et de fondation":
"Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre Dame de Paris, que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de culte plus anciens, rappelant nos origines immémoriales.
Alors que tant d’hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne
la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m’insurge contre la fatalité. Je m’insurge contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos
ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire. Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime
visant au remplacement de nos populations."
Ce suicide rappelle celui d'un autre écrivain, Yukio Mishima, le 25 novembre 1970, que, justement, Dominique Venner admirait.
Peu avant de faire seppuku, ce dernier avait déclaré du haut d'un balcon:
"Nous voyons le Japon se griser de prospérité et s'abîmer dans un néant de l'esprit."
Sur un bout de papier il avait écrit:
"La vie humaine est brève, mais je voudrais vivre toujours."
Dominique Venner, au début de sa dernière lettre, écrit:
"J'aime la vie et n'attend rien au-delà, sinon la perpétuation de ma race et de mon esprit."
Dans l'éditorial du numéro 64, de Janvier-Février 2013 de la Nouvelle Revue d'Histoire, qu'il avait créée en 2002, bimestriel de grande qualité, il écrivait toutefois, sous le titre Un samouraï d'Occident:
"La mort n'est pas seulement le drame que l'on dit, sinon pour ceux qui pleurent
sincèrement le disparu. Elle met fin aux maladies cruelles et interrompt le délabrement de la vieillesse, donnant leur place aux nouvelles générations. La mort peut se révéler aussi une
libération à l'égard d'un sort devenu insupportable ou déshonorant. Sous sa forme illustrée par les samouraï et les "vieux Romains", elle peut constituer la plus forte des protestations contre
une indignité autant qu'une provocation à l'espérance."
Comme dans le cas de Yukio Mishima, la mort de Dominique Venner suscite la désapprobation quasi générale et les propos les plus indécents à son sujet, alors que des historiens éminents de tous bords le tenaient naguère en haute estime...
Dans son livre Mishima ou la vision du vide, Marguerite Yourcenar écrivait à propos du suicide rituel de l'écrivain japonais et de la désapprobation générale qui l'avait suivi:
"Il semble que cet acte eût profondément dérangé des gens installés dans un monde qui leur paraissait sans problèmes. Le prendre au sérieux, c'eût été renier leur adaptation à la défaite et au progrès de la modernisation ainsi qu'à la prospérité qui avait suivi celle-ci. Mieux valait ne voir dans ce geste qu'un mélange héroïque et absurde de littérature, de théâtre, et de besoin de faire parler de soi."
La mort volontaire de Dominique Venner a de même une tout autre signification que de faire parler de lui. Elle
devrait à tout le moins faire se poser des questions, même si l'on ne partage pas, loin de là, toutes les réponses qu'il y apportait, y compris celle de sa mort en samouraï
d'Occident.
Francis Richard