T’as fait quoi à manger toi ?
C’est quoi cette question, elle m’agace cette question. Tous les jours elle revient sur les douze coups de midi, tous les jours je l’intercepte, tous les jours elle est la base le point de départ de conversations que je fuis, sur la pointe des pieds, genre faites comme si vous ne m’aviez pas vue, comme si je n’avais jamais été là, et l’éclipse, vers des eaux plus profondes loin de mon bocal à poissons rouges.
Mais parfois, les ides se font malins et inquisiteurs. Ils vous tombent dessus, alors que vous déjeuniez en tête à tête avec un bolino. Ils, plus justement elles vous encerclent, et vous passent à la question. Parfois improvisé inventé des mets succulents et exotiques que je serais bien incapable d’exécuter, et qui les laisse baba,et les obligent à changer de conversation, d’autres fois avoue être l’heureuse propriétaire d’un berlingot de gaspacho ce qui, oh délice, les laisse coite.
Mais parfois, il me faut changer de répertoire, car contrairement à la légende, et croyez m’en je le regretté, même un poisson rouge est doté de mémoire.
Donc il y a peu, mais pour faire plus simple, je dirai ce jour, elles ont débarqué en nombre et tout sourire. Un échange de bises assaisonnées au bolino, installation chaises tirées raclées sur le sol entre choquage des couverts, plats qui heurtent la table, et piaillages assourdissants. Maintenant installées, première bouchée avalée, c’est parti pour le sempiternel "t’as fait quoi à manger toa ?"
Je leur ai raconté qu’hier
J’ai ouvert une conserve de pois chiches, non sans mal, que c’est normal, on n’a rien sans mal. Je les ai jetés dans un saladier, y ai rajouté Du cumin en poudre, BEAUCOUP de cumin en poudre, parce que j’aime ce qui est épicé, et puis du piment en poudre. Trop, sans doute trop, mais pas pour moi, confère plus haut, et un oignon blanc en fines lamelles. Que même je n’ai pas pleuré, même que je ne pleure plus face au oignons, parce que j’ai un truc, simple et à la portée de tous. Elles ne me l’on pas demandé. Dommage. À cause d’elles vous non plus vous ne le saurez pas.
Le tout copieusement arrosé d’huile d’olive et saupoudré de coriandre en grains.
Et puis j’ai sorti ma tablette et leur ai montré le résultat.
Les plus polies ont dissimulé leur dégoût. Les autres ont détournés le regard.
J’ai rappelé que suis pas un cordon bleu, je n’ai pas ma ceinture blanche de cuisto, me suis excusée de la médiocrité de la photo, ai précisé, en avoir beaucoup d’autres. Mais déjà elles ne l’écoutaient plus se racontaient leur week-end, leur barbecues avortés, les séances bricolage en famille. Mes gros sabots et moi avons pu quitter l’espace et le confinement, retrouver ma liberté, dans l’indifférence générale … et réjouissante …
, assez moche pas très ragoutante, franchement contre productive.
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