Jean-Luc Mélenchon agit comme un révélateur de la conscience française
22 mai 2013, 11:18
Le mode d’expression de Jean-Luc Mélenchon est salutaire. Dans un monde politique et médiatique où les mots sont anesthésiés et vidés de leur contenu social, il parle un langage de vérité, sincère, honnête et cash.
Parler comme lui est sans doute une façon de sauver la politique. Aujourd’hui, quand une personne allume la télévision et tombe sur un politique, elle change de chaîne. Et ce, car une petite musique semblable résonne d’un homme politique à un autre. La plupart des Français considèrent donc qu’il y a une arnaque dans le discours politique. Ils éteignent souvent leur télé et arrêtent alors de réfléchir politiquement pour aller vers un canal de télé-réalité ou un autre divertissement.
L’objectif de la gauche est de changer la société. On ne peut donc pas se satisfaire de l’éloignement de de la politique des Français. Un de nos principaux problèmes est que 70% des ouvriers s’abstiennent aux élections. Le discours de Jean-Luc Mélenchon capte l’attention. Beaucoup de gens le critiquent mais personne ne lui conteste son honnêteté. Par cette sincérité, il est susceptible de rappeler à la politique beaucoup des nôtres. Parmi les hommes et femmes politiques, il fait d’ailleurs les meilleurs scores d’audiences lors de ses passages à la télévision.
Le «salaud» agit sans se poser la question des conséquences morales
Mais, nous vivons un changement d’époque que je réalise avec tristesse. Je milite depuis 20 ans et quand j’étais jeune militante, si quelqu’un s’en prenait à Jean-Marie Le Pen, quels que soient les mots utilisés, il ne serait jamais venu à l’idée de personne de le défendre. Aujourd’hui, lorsque Marine Le Pen fait l’objet d’un mot un peu dur ou moqueur de la part de Mélenchon, beaucoup de personnes viennent à sa rescousse.
Aujourd’hui, les gens tiennent compte de la forme avant tout. Ils ont totalement dédiabolisé le FN. Il est devenu un parti comme les autres alors qu’il ne l’est pas. Son programme est extrêmement brutal notamment vis-à-vis des immigrés. Mais là, cela ne choque personne. Jean-Luc Mélenchon agit donc comme un révélateur de la conscience française et de son langage. Il oblige chacun à réfléchir.
Concernant Pierre Moscovici, salopard est un terme utilisé au sens littéraire de Jean-Paul Sartre : le salaud est l’homme qui agit sans se poser la question des conséquences morales de ses faits et gestes. A l’Eurogroup, Pierre Moscovici a participé à des discussions techniques sur les banques chypriotes. Ils ont alors décidé de prélever de l’argent sur tous les comptes en banque y compris ceux des petits déposants. Ce qui me choque c’est qu’on appelle cela de la technique bancaire et pas qu’on appelle cela «être un salopard». Ces mots révélateurs sont une condition pour la construction d’une pensée et d’une société plus à gauche.
J’invite tout le monde à parler comme lui pour lancer une vraie réflexion
La gauche ne peut pas gagner dans une société anesthésiée dans laquelle tous les mots et les actes se valent. Le langage de Jean-Luc Mélenchon n’est pas de l’exagération, il est beaucoup plus juste que le langage faussement neutre utilisé constamment. J’invite tout le monde à parler comme cela car pour lancer une vraie réflexion.
Même des grands hommes comme Bernard Pivot regrettent qu’on ait un langage aussi policés. Il y a une semaine, il tweetait en se demandant pourquoi on avait arrêté d’utiliser le mot foutre en France («Il n'y a guère, "foutre" était un juron très prisé. Foutre non! Foutre merde! Foutrebleu! Putain, pourquoi foutre a-t-il disparu?).
Pourquoi quand Bernard Pivot l’écrit, est-ce bien ; mais quand il s’agit de Jean-luc Mélenchon, c’est louche?