Transposer au théâtre, dans un spectacle de seulement deux heures, les quelques 1300 pages du roman-feuilleton d'Eugène Sue, publié dans la presse en 1842, relevait de la gageure. Aussi évident que de résumer 35 saisons des "Feux de l'Amour" en deux minutes... C'est pourtant ce qu'ont tenté Charlotte Escamez (adaptation) et William Mesguich (mise en scène). Le fruit de leur labeur est brillamment porté par 8 comédiens, se révèle plutôt prenant, dense, quelquefois confus du point de vue narratif mais visuellement séduisant, en dépit de certains passages un brin pompeux.
Dans "Les Mystères de Paris", bandits, criminels, pervers, croisent le chemin et le destin de Rodolphe, duc allemand désireux d'aider les nécessiteux, parcourant pour cela les rues sombres de la capitale, s'immisçant dans ses tripots et cabarets populaires. Là, notre héros fait la rencontre de Fleur de Marie, orpheline de 14 ans mise de force sur le trottoir par des êtres malfaisants, qu'il décide de placer sous sa protection. C'est le point de départ de tribulations rocambolesques transportant le spectateur au coeur d'un XIXème siècle dépeint sans fioriture, fascinant, violent, terrifiant, dont les us et coutûmes interrogent parfois celles de notre époque en leur faisant écho.
William Mesguich a fait le choix de travailler sur des images plus fantasmées que réalistes, ayant recours à une scénographie minimaliste mais efficace, évoquant une sorte de boulevard du crime souterrain aux accents de fête foraine, aux anachronismes aussi récréatifs que signifiants, permettant d'enchaîner sans temps mort de nombreux tableaux au cours desquels la distribution se démultiplie, chacun campant tour à tour narrateur, notable, brigand, vieille sorcière, ou fille de joie, aux looks grand-guignolesques savamment étudiés. Citons-les : Jacques Courtès, Zazie Delem, Romain Francisco, Marie Frémont, Sterenn Guirriec, Julie Laufenuchler, et bien sûr William Mesguich. Leurs près de 25 compositions sont toutes excellentes.
Il conviendra, avant de prendre le chemin de La Tempête, d'avoir relu l'ouvrage de Sue afin de s'y retrouver dans les méandres de cette fresque aux ellipses théâtrales peut-être parfois trop franches, mais le travail vaut la peine d'être vu. Sans aucun doute.
Jusqu'au 16 juin.
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Photos : Palazon