T'es assis, c'est bon?
T'es pas tombé au moins, hein, dis?
Non je te demande ça parce que si je ne clame pas mon âge à tout va, je n'ai pas non plus la coquetterie (mal placée) de le cacher.
Et souvent quand j'annonce le mien (35 ans, donc), les plus jeunes que moi se sentent un peu gênés comme si je venais de leur annoncer que j'étais atteinte d'une maladie grave ("oh mince, désolé(e), j'savais pas") et la plupart du temps ils semblent se sentir obligés de s'excuser soudainement de m'avoir demandé ("oh en fait ça se fait pas, j'aurais pas dû demander") ou de me réconforter sur l'air du "oh mais t'inquiète pas, tu fais moins".
Non, non je ne crois pas. J'ai 35 ans et je fais 35 ans mais c'est bon, tout va bien, merci jeunes gens.
Comme l'a si bien chanté Damien Rice (j'en reviens toujours à lui, t'as vu ça?) on passe tous par là "Time is contagious, everybody's getting old" alors à quoi bon se lamenter à propos du temps qui passe et faire comme s'il pouvait nous épargner?
Sans blague, je te jure, ça me gêne presque que certains se sentent obligés de chercher à me réconforter. Et ça m'inquiète un peu aussi.
Mes 35 années font partie de moi, elles m'ont permis de me construire.
Une chose est sûre je ne suis pas la même aujourd'hui que celle que j'étais à 25 ans, j'ai changé et tous les moments vécus, bons ou mauvais, se sont inscrits sur ma peau, ont modifié mes traits, sans doute et ma façon d'envisager la vie, de définir mes priorités.
Et je n'y peux rien. Et toi non plus. C'est ainsi voilà tout. On vieillit.
Rien de mal à ça.
J'irais même jusqu'à avancer que si on me proposait de revenir dix années en arrière, je refuserais.
Je ne voudrais pas perdre le bénéfice de ce que j'ai appris, risquer de remettre en cause ce qu'est ma vie aujourd'hui malgré toutes mes erreurs de parcours, mes pénibles hésitations et mes renoncements.
Je ne vais pas te servir le fameux couplet sur les bénéfices de l'expérience, la jeunesse qui s'échappe et l'âge qui avance. Non.
Je t'épargne ça car je ne saurais pas faire mieux que Benjamin Biolay qui a signé un des plus jolis textes du nouvel album de Vanessa Paradis ("Love Songs"), à ce propos.
Ca s'appelle "La chanson des vieux cons" et c'est un titre dont chaque écoute me hérisse le poil de façon systématique.
Elle m'évoque irrémédiablement la rencontre de quelques vieux à la peau parcheminée que j'ai croisés au cours de mes pérégrinations plus ou moins lointaines et qui m'ont apporté beaucoup en quelques mots seulement. Ces hommes et ces femmes, riches de ce qu'ils ont vécu, qui ont partagé avec moi quelques-unes de leurs expériences ou leur ressenti pour m'aider à grandir un peu.
Elle m'évoque aussi ce que je deviens et qui nous attend tous. Plus ou moins loin.
Je te laisse sur des mots qui sont ceux de mon grand-père :
Un jour, il y a longtemps maintenant, alors que je m'étonnais de son grand âge et lui demandais pourquoi il était si vieux, il m'a répondu "Oh, tu sais, je n'ai pas eu le choix : C'était ça ou mourir jeune..."
Pas mieux.