Quelle surprise... Ou pas.
8.010 foyers, l'an dernier, ont réglé davantage d'impôt qu'ils n'avaient reçu de revenus. La surprise n'est pas là où l'on croit. L'ancien bouclier fiscal, que Nicolas Sarkozy avait renforcé puis détruit, permettait quelques outrageants remboursements d'impôts mais aussi de soulager quelques rares cas de gros propriétaires aux trop maigres revenus. L'UMP exhibait ainsi quelques exemples de veuves désargentées à l'immense demeure délabrée incapable de régler leur facture fiscale faute de revenus suffisants. Le bouclier fiscal était une affaire symbolique.
Puis Nicolas Sarkozy l'a finalement supprimé sous la pression des sondages et d'une campagne de réélection qu'il espérait victorieuse. Deux ans plus tard, on nous apprend donc que quelques milliers de foyers ont réglé une facture fiscale que l'on devine insupportable.
Le plus surprenant dans cette information livrée par un député UMP, rapporteur du budget à l'Assemblée, est son "timing". La collecte des déclarations de revenus 2012 n'est pas terminée - les "télédéclarants" ont encore jusqu'à début juin. Comment donc tirer d'aussi rapides explications ?
Car les Echos ajoutent un commentaire: "L’effet du collectif budgétaire de l’été 2012 explique en partie cette situation." Ah ! C'est la "faute à Hollande"...
Et le journal d'expliquer que la nouvelle majorité issue des urnes en juin 2012 avait voté, dans le collectif budgétaire l'été dernier, une contribution exception d'environ 2 milliards d'euros de recettes espérées, qui devait " compenser
ponctuellement le coût du boucler fiscal, qui donnait encore lieu à des
remboursements". Or, s'indigne Gilles Carrez, notre député UMP à l'origine de la fuite de ces cruciales informations, "pour la première fois depuis 25 ans", ce prélèvement "ne faisait l’objet d’aucun
plafonnement, ce qui a accru sensiblement son impact."
En 2011, plus de 5.000 foyers réglaient déjà davantage d'impôts que de revenus. En cause, ils ne demandaient pas à en bénéficier, une démarche curieuse. Le journaliste n'ose pas l'explication qui fâche: certains de ces bénéficiaires potentiels ne craignaient-ils pas une plus large enquête en cas de demande au fisc ?
On en déduit aussi assez facilement que l'impact négatif du "matraquage" fiscal de l'été 2012 sus-dénoncé est finalement bien modeste - 3000 foyers supplémentaires...
Que d'émotions...
Mieux, le ministre du budget, Bernard Cazeneuve, a encore rappelé combien les sanctions contre les fraudeurs fiscaux vont être prochainement alourdies. La Tribune de Genève en est toute émue: "S'ils ne se signalent pas, 'les fraudeurs risqueront jusqu'à sept ans de prison pour les cas les plus graves. Quant
à ceux qui exercent des activités de blanchiment de fraude fiscale ou
relèvent de la délinquance financière, ils encourront des poursuites
pénales accrues.'"
Il y a quelques jours, l'Opinion, un nouveau quotidien "plurimédia" et "pro-business", croyait savoir que le ministre s'apprêtait à recréer une cellule spécialement dédiée, à Bercy, pour accueillir les exilés fiscaux et négocier leur rapatriement.
Sur ce sujet, Cazeneuve apporte enfin un démenti ferme et sans détour: "il n'y aura ni amnistie ni
cellule de régularisation. (...) Il doit y avoir un processus
transparent, de droit commun, leur permettant de se mettre en conformité
avec la loi. Il n'y aura donc aucune disposition dérogatoire."