Après un premier EP salué par la critique, Robi (Chloé Robineau) nous dévoile son premier album L’Hiver et la Joie, un voyage habité au coeur d’une poésie sombre et puissante.
Elle est actuellement en tournée, et pour l’avoir vu sur scène, on ne saurait trop vous conseiller de guetter les dates près de chez vous, tant elle donne vie avec une force et une grâce exceptionnelle aux morceaux.
Comment est né le projet Robi ?
Robi : J’ai plus ou moins toujours chanté sous ce nom là, mais la formation a changé, la démarche a changé à partir du moment où j’ai composé moi-même. Ce qui n’était pas le cas au départ, je n’étais qu’auteur. J’ai mis beaucoup de temps pour me sentir légitime et m’autoriser à composer. Une petite dizaine d’années quasiment. Ce projet, sous cette forme là a trois, quatre ans. Ca coïncide avec ma rencontre avec Jeff Hallam qui m’a aidé à concrétiser ce passage à l’acte, à l’auto-proclamation de mon statut de compositeur.
La direction musicale assez sombre, New Wave comment ça s’est mis en place ?
A la base c’est un projet qui s’appuie sur des tournures rythmiques et une basse. On a d’ailleurs tourné pendant très longtemps en formation basse, voix et boite à rythmes. C’est un projet qui s’appuie profondément sur ce socle là. Petit à petit en travaillant sur les arrangements, les claviers ont pris de plus en plus d’espace, de plus en plus de place, jusqu’à donner paraît-il cette couleur New Wave à cet album. Mais il n’a pas du tout était pensé comme un album New Wave. C’est plutôt une démarche blues ou une démarche quasi de musique première comme on trouve dans beaucoup de musique traditionnelle, c’est à dire une voix qui s’appuie sur une base rythmique. Les arrangements sont venus adoucir un peu le propos qui était très rugueux au départ et qui donne cette connotation par le choix de ces claviers là. Claviers qui font effectivement référence aux années 80. De part cette aridité et ce dépouillement ça peut faire penser à de la New Wave. Après dans mon esprit je ne faisais pas de la new wave.
Comment fait-on pour sortir un premier album à 30 ans ? Pourquoi pas avant ?
J’ai fait un album autoproduit quand j’avais 20 ans, en l’occurrence je l’ai fait beaucoup trop jeune. C’est un album que je suis incapable de ré-écouter tellement il est étrange pour moi et me ressemble peu.
Ca met du temps parce qu’il m’a fallu du temps pour m’autoriser à composer, et tant que ça n’a pas été le cas, je n’étais pas suffisamment contente. C’est l’analyse que j’en fais à postériori. Je me dis que je n’étais pas suffisamment sûr de mon fait et heureuse de ce que je faisais pour pouvoir l’assumer aux yeux et aux vus de tous pleinement.
Avant 30 ans, comme je suis le producteur de cet album, je n’avais pas les épaules à ce moment là pour me lancer dans la production. C’est quelque chose de particulier de produire soi-même son album. Les maisons de disques n’ayant pas jusqu’à présent voulu de moi, il n’y avait pas d’autres alternatives que de se produire soi. Ce dont j’aurais été incapable à 20 ans.
Il y a eu une étape importante, la mise en avant par les Inrock Labs ?
A vrai dire ce ne sont pas les Inrock Labs qui nous ont mis en avant, c’est le public. On a effectivement gagné le prix du public des Inrock Labs. Il faut s’avoir que les Inrocks ne nous soutiennent pas du tout et n’aime pas notre projet. C’est assez ironique, parce que tout le monde a l’impression qu’on a été découvert par les Inrocks alors qu’en réalité on leur a été imposé d’une certaine manière. Ils se trouvent bien obligés de parler de nous parce qu’on a été choisi par le public.
D’autres nous soutiennent, Télérama… et c’est très bien comme ça.
Cette reconnaissance du public lors du premier EP vous a encouragé à aller jusqu’à l’album ?
Dès la sortie du premier EP, je crois qu’on avait déjà en tête, si je me souviens bien, de continuer sur la lancé et de faire un album. Ce qui nous a beaucoup aidé et beaucoup encouragé c’est surtout l’entrée de Je Te Tue (qui était un titre de l’EP) en playlist sur France Inter. D’être soutenu par France Inter a été pour nous un cadeau immense. Ca nous a encouragé, si c’était nécessaire à continuer et à sortir l’album.
Comment se sont faites les rencontres avec Dominique A, Jean-Louis Murat ?
C’est une question qu’on me pose souvent, je me suis fait taper sur les doigts parce qu’il ne fallait pas…
En fait c’est très simple, ce sont des rencontres humaines. Il se trouve que mon compagnon est photographe, graphiste et co-producteur de l’album, qu’il a pour amis un certain nombre de personnes connues et pas connues mais entre autres Dominique A et Jean-Louis Murat. La rencontre s’est faite d’amis à amis autour d’une table, aussi simplement que ça. Après, les collaborations artistiques sont venues par envie, respect et admiration commune.
Les quelques fois où je l’ai évoqué, il y a des gens qui finissaient par dire : « oh la la, c’est parce que son compagnon est le photographe machin qu’elle a eu un duo avec Dominique A. » Si Dominique A devait faire un duo avec toutes les femmes de ses collaborateurs, il n’aurait pas fini !
Donc on m’a dit qu’il fallait que je reste mystérieuse sur la façon dont je les connaissais.
Comment travailles-tu les chansons ? J’ai lu que l’inspiration venait en marchant ?
Oui, j’ai beaucoup de mal à m’asseoir, me concentrer et attendre que ça tombe. J’en suis incapable. Je pense que c’est une forme d’angoisse de la page blanche. Le mouvement me permet de canaliser et mettre en ordre des pensées qui pourraient être assez brouillonnes et aller dans tous les sens. Ca me permet aussi d’écrire, dans ma tête, en rythme et de travailler, dès la conception des morceaux, rythmiquement.
Je n’écris rien, ce qui me permet du coup, de me débarrasser des toutes les scories, partant du principe un peu idiot que si je ne m’en souviens pas c’est que cela ne valait pas le coup.
Jamais vous n’oubliez de bonnes idées ?
Si cela m’est arrivé, mais j’essaie de me consoler en me disant que cela ne devait pas être si super que ça, si je ne m’en souviens pas. J’écris beaucoup d’idées, je note beaucoup choses dans lesquelles je vais parfois piocher quand il m’en manque.
Vous pensez aux mélodies et aux paroles ?
Oui, les mélodies viennent toujours en même temps que les paroles.
Ensuite vous retravaillez le tout avec Jeff Hallam ?
Pour l’album on a travaillé comme ça. J’arrivais avec ces tournures rythmiques très basiques que je construisais sur mon ordinateur. Puis lui reprenait tout à la basse. On travaillait à partir de ce socle là, pour petit à petit aller vers des arrangements beaucoup plus touffus.
Vous réalisez vos chansons, vos albums, vos clips. Vous avez le temps de tout faire ?
Le temps on l’a. Mais c’est souvent la nécessité et la contrainte, c’est un grand classique de dire ça, qui nous fait créer le plus et le mieux. Tout à fait honnêtement je me suis retrouvé à faire mes clips parce que je n’avais pas l’argent pour demander à qui que ce soit de le faire, et qu’aujourd’hui la meilleure façon de faire circuler de la musique sur les réseaux sociaux entre autres, c’est d’avoir un support visuel. Et je me suis prise de passion, je me suis découvert un plaisir fou à le faire. Ce qui devait être au départ une contrainte « il va falloir que je m’y colle parce que je ne connais personne pour le faire », est devenu non seulement un plaisir, mais aussi une nécessité. J’ai un peu du mal à lâcher le bébé maintenant.
J’avais fait les clips du EP, là j’ai fait les clips des deux singles (je déteste ce terme) qui sont sortis de l’album. Et je pense que ça va continuer. D’abord j’aime ça et j’ai l’impression que c’est vraiment la continuité d’un même univers. A moins de tomber sur la personne dont l’univers me parlerait tellement que j’aurais envie de lui confier un clip, pour l’instant je trouve que je ne suis pas mûre pour être mieux servie que par moi-même. Après techniquement ça vaut ce que ça vaut, je démarre, je ne suis pas vidéaste, pas monteuse, je fais tout en autodidacte. C’est une démarche poétique, ce n’est pas très grave si techniquement ça ne suit pas comme ça devrait suivre. Ca viendra. J’adorerais faire des clips pour d’autres. J’adorerais continuer à me faire la main sur les autres (rires).
L’album prend bien auprès du public, une tournée est en cours, avec un passage à Bourges, vous avez été approchée par des maisons de disques ?
Pas du tout. Je crois qu’on est un projet qui questionne. Je crois qu’on n’arrive pas très bien à nous classer. Ce qui a plutôt tendance à me plaire. Sans être snob, ce qui m’intéresse c’est rester sur ce fil, au carrefour de plein d’exigences, de plein d’ambitions, entre l’écriture de chansons françaises, le rock, des sonorités différentes. De ce fait, on est un peu le caillou dans la chaussure, on ne sait pas très bien nous classer.
Donc non, nous ne sommes pas harcelés par les maisons de disques.
Votre programme pour l’été ?
On va plutôt travailler sur la suite des évènements. On a pas mal de dates (ndlr de concerts) d’ici fin juin et de nouveau pas mal de dates à la rentrée, dont des dates en Belgique, en Suisse. Une belle tournée qui est en train de se préparer. Je pense que l’été sera studieux.
Vous utilisez internet dans votre activité musicale ? Pour écouter, pour diffuser ?
Les deux !
J’écoute et découvre beaucoup de choses sur internet. Après je pousse plus loin ou pas.
Et pour nous même on s’en sert énormément. Du fait que nous n’avons pas de maison de disques, nous n’avons pas de financement marketing, de campagne d’affichage, de tout ce qui peut accompagner une sortie d’album. En terme de visibilité notre seul moyen de communication c’est essentiellement Facebook.
Merci.