♥ ♥ ♥
Une superbe adaptation
L’auteur :
Jacques Ferrandez a commencé chez Casterman en publiant Arrière pays, des petites histoires d’inspiration provençales. Après le premier cycle en 5 volumes de la série Carnets d'Orient, consacrée à la période coloniale d'avant-guerre en Algérie, Jacques Ferrandez replonge dans l'univers provençal et s'attaque aux classiques de la littérature française en adaptant deux romans de Pagnol : Jean de Florette et Manon des Sources (1997). En octobre 1998, sur un scénario de Tonino Benacquista pour lequel il avait réalisé des illustrations sur La madonne des sleepings, Jacques Ferrandez dessine L’Outremangeur, puis La Boîte noire en octobre 2000. Il revient à sa série Carnets d'Orient en entamant un deuxième cycle, qui débute à la veille de l'insurrection en Algérie et qu'il clôt en 2009 avec Terre fatale. Contrebassiste de jazz, il se produit avec le Mille sabords quartet et le Miles Aboard Jazz Quintet et illustre régulièrement les couvertures de Jazzman magazine. (Source : France Inter)
Présentation :
Le jour où sa mère est morte, Meursault a remarqué qu'il faisait très chaud dans l'autobus qui le menait d'Alger à l'asile de vieillards, et il s'est assoupi. Plus tard, dans la chambre mortuaire, il a apprécié le café que lui offrait le concierge, a eu envie de fumer, a été gêné par la violente lumière des lampes électriques. Et c'est avec une conscience aiguë du soleil qui l'aveugle et le brûle que l'employé de bureau calme et réservé va commettre un acte irréparable. Camus présente un homme insaisissable amené à commettre un crime et qui assiste, indifférent, à son procès et à sa condamnation à mort.
Ce que j’ai aimé :
L'adaptation est fidéle au texte initial : nous retrouvons ce Meursault anti-héros atypique à qui tout est égal, pour qui la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, et poussé par les circonstances ou par ses sens exacerbés à commettre un meurtre. Puis viennent le procés, l'emprisonnement, et toujours en filigrane cette passivité, cet homme qui s'adapte trop facilement à ce qui lui arrive et semble sans coeur, perdu dans un monde absurde.
"On ne change jamais de vie. En tout cas, toutes se valent et la mienne ici ne me déplaît pas du tout." (p. 53)
"Le cri des vendeurs de journaux dans l'air déjà détendu, les derniers oiseaux dans le square, l'appel des marchands de sandwiches, la plainte des tramways dans les hauts tournants de la ville et cette rumeur du ciel avant que la nuit bascule sur le port, tout cela recompose pour moi un itinéraire d'aveugle, que je connaissais bien avant d'entrer en prison. Oui c'est l'heure, où il y a bien longtemps, je me sentais content. Ce qui m'attendait alors, c'était toujours un sommeil léger et sans rêves. Et pourtant quelque chose a changé puisque, avec l'attente du lendemain, c'est ma cellule que je retrouve. Comme si les chemins familiers tracés dans les ciels d'été pouvaient mener aussi bien aux prisons qu'aux sommeils innocents." (p. 109)
Il lui faudra du temps pour se libérer de ce schéma désincarné et se dépasser pour accéder au sublime. Le sentiment de
puissance n'arrivera finalement qu'avec la mort et son acceptation. Accepter la mort, sa propre finitude, l'absurdité de la vie, c'est peut-être enfin pouvoir toucher le bonheur du bout des
doigts.
Le travail sur les dessins est magnifique : les aquarelles sont douces et lumineuses, habitées par la grâce de l'instant qui passe et dont il faut savourer chaque seconde en renonçant à lutter contre l'inévitable. Une vraie rencontre entre un auteur et un dessinateur de talent, pour une vraie réussite.
Ce que j’ai moins aimé :
- Rien
Vous aimerez aussi :
Du même auteur : Les carnets d’Orient
D’autres avis :
Presse :Télérama ; L’express ; Le POint
L’étranger, Jacques Ferrandez, d’après l’œuvre d’Albert Camus, Gallimard, avril 2013, 136 p., 22 euros