Pour autant, et même si ce deuxième point constitue une réelle satisfaction
pour tous ceux qui sont convaincus que l’avenir de l’Europe et donc de la
France passe avant tout par plus d’intégration et un véritable fédéralisme, son
engagement apparait bien trop timide pour être complètement
rassurant.
Le point le plus important, sinon le plus nouveau, c’est bien cette idée
d’un gouvernement économique. L’idée n’est pas récente, pour ne citer qu’eux,
Nicolas Sarkozy l’avait déjà ébauchée en
2008 et Manuel Barroso l’avait explicitement évoquée en
2011.
On ne peut qu’applaudir à l’idée que les gouvernements de chaque pays, d’une
zone qui reste à définir, tentent de coordonner leur politique économique afin
d’établir une stratégie au niveau européen à peu près cohérente.
Plutôt que de parler d’économie dans l’urgence et la précipitation à chaque
crise qui survient, essayer d’anticiper parait pour le moins
judicieux.
On sait bien que la grande faiblesse de l’euro tient au fait que sa mise en
œuvre n’a pas été accompagnée d’une véritable coordination économique et
budgétaire au sein de la zone euro.
Malgré tout, même si ce premier pas de François Hollande mérite d’être
relevé, il est largement insuffisant.
La construction d’une Europe forte, économiquement plus homogène, plus
solidaire et donc plus solide n’a rien d’une évidence.
N’oublions pas que l’on demande aux pays excédentaires d’aider leurs voisins
à améliorer leur compétitivité, et donc à gagner des parts de marché,
essentiellement au détriment des autres pays européens.
Pour que ces pays acceptent de faire des efforts il est indispensable qu’ils
aient la certitude que les autres sont également prêts à en faire. En clair, si
on veut que les pays dits du Nord acceptent plus de solidarité vis-à-vis des
autres, il faut que ceux-ci démontrent leur volonté et leur capacité à se
réformer.
N’oublions pas non plus qu’il existe des divergences de fond sur ce qu’on
pourrait appeler les préférences sociales. Certains veulent un Etat de petite
taille, une pression fiscale relativement faible et une protection sociale plus
mesurée (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne…) alors que d’autres dont la France
peut être considérée comme le porte étendard ont fait le choix depuis longtemps
d’un Etat omniprésent, et d’une protection sociale très forte au prix d’une
pression fiscale très élevée.
Or, que dit François Hollande qui est à la tête de l’Etat qui à le taux de
prélèvements obligatoires le plus important d’Europe et les prestations
sociales les plus généreuses ? Tout simplement qu’il faut harmoniser la
fiscalité et commencer « à faire acte de convergence sur le plan social,
par le haut » !
Comment, sur de telles bases, peut-il espérer faire adhérer les pays
« vertueux » au concept d’une gouvernance économique
européenne.
Qu’espère donc François Hollande en faisant une telle annonce ?
Si celle-ci est destinée à nos partenaires étrangers, ce n’est clairement
pas la bonne approche pour les convaincre qu’ils ne seront pas les dindons de
la farce et si elle est destinée à ses administrés, elle est
insuffisante.
Pour les premiers il eu fallut ne pas laisser penser que la France veut
imposer son modèle. Accessoirement il aurait également fallut démontrer sa
volonté sinon sa capacité à se réformer en profondeur.
Pour ces dernier, il aurait du aller au bout des choses et évoquer les
nécessaires contreparties ou les prolongements logiques de cette gouvernance
économique.
Notamment qu’elle doit rapidement aboutir à la supervision collective des
politiques économiques et à la possibilité pour l’Europe d’imposer à un pays un
changement de ses politiques, avec potentiellement sanctions et nécessairement
perte de souveraineté des parlements nationaux. Il aurait pu également ajouter
que cette perte de souveraineté ne portera pas seulement sur la politique
budgétaire et les déficits publics, mais aussi sur tout ce qui peut influencer
la productivité d’un pays : les politiques salariales, fiscales, de
l’innovation, de la concurrence, du marché du travail …
Que François Hollande fasse de l’avancée de l’Europe une de ses priorités
est louable, mais de cette manière il donne l’impression d’avoir lancé une
belle idée en l’air sans rien faire pour en assurer le service après
vente.
Les mauvaises langues pourraient prétendre que faute de courage pour
réformer la France, il s’attaque à la transformation de l’Europe. Pour ma part,
et compte tenu de ses convictions européennes anciennes, je préfère croire
qu’il a voulu présenter l’Europe sous ses meilleurs aspects quitte ensuite à
laisser découvrir progressivement l’envers de la médaille. En tout cas,
François Hollande devra un jour ou l’autre assumer jusqu’au bout ses idées et
préciser clairement sa vision d’une construction européenne réaliste.