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ELLE AVAIT RÊVÉ QU'ELLE ACCOUCHAIT D'UNE BALLE DE TENNIS.- She dreamed she was delivered of a tennis-ball -
Time smoking a picture- William Hogarth
Le roman, cela ne fait point de doute, a ses origines dans l'ignorance, la vanité et la superstition.Préface de l'auteur - Roderick Random de Tobias Smollett (1748)
Le premier roman de Tobias Smollett publié de manière anonyme en 1748, RODERICK RANDOM (The Adventures of Roderick Random) vient d'être réédité aux éditions Les Belles Lettres dans la collection "Domaine étranger" dirigée par Jean-Claude Zylberstein. L'excellente traduction datant de 1980 est signée José-André Lacour.
Le roman s'ouvre par une préface de l'auteur écossais, véritable manifeste esthétique pour une littérature picaresque. Smollett ne cache pas ses influences, de L’Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage (1715-1735) dont il vient de publier en 1748 une traduction au Don Quichotte de Cervantes qu'il traduira en 1755.
The Laughing Audience (or A Pleased Audience) / A Chorus of Singers - William Hogarth
Le récit des aventures de Roderick Random au rythme endiablé est à la fois truculent, cocasse, comique, tragique, satirique, immoral et d'une prodigieuse cruauté. Il révèle aussi à quel point le picaresque constitue l'enjeu fictionnel, narratif et littéraire par excellence, soit la représentation des "comédies et folies de la vie quotidienne", de "la vertu accablée et du vice triomphant" ou encore de "la fripponerie et les infirmités de la vie".
Ainsi s'exprime Tobias Smollett, auteur de nombreux romans d'aventures, des Adventures of Ferdinand Count Fathom (La carrière d'un vaurien, 1753) aux invraisemblables History and Adventures of an Atom (Histoire et aventures d'un atome, 1769) : S'il arrive au lecteur délicat d'être offensé par les déraisonables jurements qu'on voit dans la bouche de quelques personnages de ce livre, je le prie de considérer qu'il m'a paru que rien ne pouvait plus efficacement montrer l'absurdité d'aussi sordides propos que la verbale et naturelle représentation du discours auxquels ils aboutissent.
Four stages of cruelty - The reward of cruelty - William Hogarth - 1751
Tobias Smollett longtemps vécut dans l'ombre de Henry Fielding et Laurence Sterne, victime de sa mauvaise humeur et de sa réputation d'auteur de "mauvais genre". L'extrait suivant tiré de Roderick Random offre un exemple de l'extraordinaire et troublante modernité smollettienne :
Pendant sa grossesse, un rêve qu'elle fit troubla tant ma mère que son mari, fatigué de ses plaintes, alla consulter un voyant des Highlands qui ne voulut rien savoir pour ce qui est de donner du rêve une traduction favorable, encore qu'on eût tenté de lui graisser la patte auparavant. Elle avait rêvé qu'elle accouchait d'une balle de tennis. C'est le diable qui faisait la sage-femme, chose bien suprenante. Et il avait tapé si fort de la raquette qu'en un instant ladite balle avait disparu. Tout un temps, ma mère fut inconsolable de la perte de son marmot, quand, tout soudain, elle le vit revenir avec la même célérité qu'il était parti, trouer le sol sous ses pieds et en ressortir sous la forme d'un arbre gracieusement fleuri dont le parfum secoua si fort ses nerfs qu'elle s'éveilla.