La chute de la presse traditionnelle

Publié le 21 avril 2008 par Jean-Marie Le Ray
400e billet d'Adscriptor !
La chute de la presse traditionnelle transparaît de tous les indicateurs disponibles, tant en termes économiques que d'influence, remise en cause radicale des journalistes et du journalisme, etc.
Et encore, je dis "chute" pour être gentil, catastrophe et déclin inarrêtables seraient plus proches de la réalité.
Une seule réponse possible : s'adapter.
Analyser pourquoi ça coince et s'adapter aux nouvelles réalités sociales, et notamment à Internet, phénomène transversal qui touche tout et tous, et chaque jour davantage.
Internet est une (r)évolution majeure de l'histoire de l'humanité, qui fait voler en éclats tous les modèles antérieurs. Et les modèles économiques in primis. Qui ne sont déjà plus adaptés et le seront de moins en moins s'ils ne se remettent pas en question. Exemple : aux États-Unis, la presse traditionnelle a mis 127 ans pour collecter 20 milliards de $ de recettes publicitaires, contre 13 ans sur Internet, soit un facteur 10 !!!

Sources : Universal McCann, IAB Internet Advertising Report, Booz Allen Hamilton Analysis
Anecdote curieuse : 2008 - 127 = 1881 !!!
L'année de publication de la fameuse Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dont on voudrait nous faire croire qu'elle est encore adaptée à la réalité d'aujourd'hui !
Or quand je vois la façon dont fonctionnent la plupart des sites de presse sur Internet, je me dis qu'il y a encore du boulot !
Pour emprunter à l'italien, ils sont auto-référentiels ! C'est-à-dire qu'ils ne font pratiquement référence qu'à eux-mêmes. Aucun lien ou presque vers l'extérieur, vers d'autres ressources pertinentes qui permettraient aux lecteurs d'élargir leurs vues et d'approfondir les sujets.
Un peu comme dire qu'ils seraient seuls dépositaires de l'information. Or avoir une carte de journaliste ne dispense pas d'être nul, c'est triste à dire, mais c'est comme ça. Quand je livre une traduction à un client, si je lui rends un torchon, croyez-vous qu'il va être porté sur la mansuétude ?
Très clairement, c'est un mode de fonctionnement qui puise son origine dans leur activité séculaire sur support papier, qui non seulement n'est plus du tout adapté à Internet, mais qui en outre nie l'apport formidable du palimptexte.
Par contre la pub est omniprésente ! À tel point qu'on se retrouve sur des pages avec 1/4 d'info noyée dans 3/4 de pubs de moins en moins efficaces et dont tout le monde se fout ! Les gens vont sur des sites de presse pour lire des infos, pas pour cliquer sur des pubs...
Mesdames et Messieurs de la presse, Internet change en profondeur votre fonds de commerce, change la pub et bouleverse tout. Réveillez-vous ! Regardez le graphique :

Sources : Universal McCann, IAB Internet Advertising Report, Booz Allen Hamilton Analysis
C'est dans la presse que les dépenses publicitaires des annonceurs baissent de 50% et plus, et c'est sur Internet qu'elles sont reportées, et plus.
Et que vous le vouliez ou non tous vos combats devant les tribunaux pour faire valoir vos soi-disant droits (c'est vous qui le dîtes, en parfaite symbiose avec les tenants de l'orthodoxie juridique, il est vrai) sont des combats d'arrière-garde, les derniers soubresauts d'un système moribond. Idem pour la musique. Et comme le souligne fort justement Narvic, ... le cinéma, la télé et la vidéo prennent le même chemin.
On pourra en reparler dans 10 ans, juste pour voir...
Et ce n'est même pas moi qui dresse ce constat :
Si notre fragilité demeure, c’est que le modèle économique sur lequel nous avons construit notre essor depuis des décennies se désintègre sous nos yeux. Et ce constat est vrai pour l’immense majorité des quotidiens, aux États-Unis comme en Europe.
Eric Fottorino, Le Monde.
Donc s'il le dit...
C'est que la presse traditionnelle devrait d'abord comprendre que non seulement elle n'a plus le monopole de l'information, et les journalistes avec, mais de plus que si elle ne s'adapte pas intelligemment (et ceci ne fait pas partie des réactions intelligentes), d'autres prendront sa place. Et vite. Ils la prennent déjà.
Alors on fait quoi ? On se désole du déclin inéluctable et on attaque à tort et à travers, people compris, pour essayer d'en ramasser le plus possible avant de passer l'arme à gauche ?
On continue de se plaindre du fait que ces modèles économiques sont réduits en miette par de nouveaux modèles florissants ?
Ou on s'adapte ? Pour moi la réponse coule de source, mais apparemment il n'en va pas de même pour toute le monde.
Écoutons les conseils de Jeff Jarvis dans Journalism as a control point : The best rule from all sides: openness.
J'ai bien l'impression que beaucoup ont encore besoin de traduction...