Roman - 200 pages
Editions POL - octobre 2012
Martin Winckler est depuis longtemps sensible à la douleur de ses semblables. Il refuse d'être le médecin qui a tout pouvoir sur ses patients : le pouvoir de tuer, d'amputer, de diminuer, également le pouvoir de maintenir en vie à tout prix. Lui est à l'écoute. C'est pourquoi, pour de nombreuses personnes souffrantes qui n'espéraient plus rien de la vie sauf une fin libératrice, ont fait appel, dans la discrétion, à sa confiance et sa compétence dans le soulagement des douleurs et dans la fin de vie compréhensive. Des anonymes qu'il écoute et dont il retranscrit les paroles par la suite. Des anonymes qui se confient. Jusqu'au jour où il tombe amoureux d'une femme dont il vient d'accompagner le père vers la paix définitive.Des mots simples, des récits touchants, un regard humain. Comme dans ses livres Les trois médecins, La maladie de Sachs, et Le choeur des femmes, Martin Winckler se révèle être un médecin dont la vocation est évidente.
Extrait :Sa parole se libère sur un aspect tabou de la médecine moderne, celui des soins palliatifs, et celui du droit de mourir dans la dignité. Ce qu'il ne pouvait pas auparavant révéler car il se trouvait hors-la-loi, il le livre aujourd'hui, avec simplicité, soulignant sans cesse que ces demandes pressantes mais réfléchies, émanaient de personnes anonymes, et pour lesquelles il ne peut qu'accepter de rendre ce service, gracieusement et humainement.Un livre court, mais percutant, qui nous en apprend beaucoup sur cet homme et ses convictions.
"J'ai appris à manier les antalgiques mineurs et la morphine. Les opioïdes synthétiques. Les anesthésiques locaux et généraux. Les neuroleptiques, les antidépresseurs, les myorelaxants et les alpha-adrénergiques. Les blocs plexiques et les neurolyses. Les péridurales.J'ai appris à analyser les douleurs chroniques ; à identifier l'origine des douleurs projetées ; à apprivoiser les douleurs fantômes.J'ai appris à employer le placebo, la relaxation, l'hypnose, les gestes, la parole.Les gestes qui atténuent l'angoisse.La parole qui, sans donner de faux espoirs, aide à s'ancrer dans la réalité.J'ai appris à apaiser la douleur des autres.Pas trop : sans les endormir, sans les empêcher de se sentir vivants.Mais en les aidant à ne plus ressentir ces cris des profondeurs qui éventrent ou arrachent.À ne plus être dans la douleur totale, qui empêche de ressentir quoi que ce soit d'autre. Qui empêche de penser. De sourire. D'être présent au monde.J'ai beaucoup travaillé. Bien, je crois.Mais ça ne me suffisait pas."