Certaines sont sourdes comme des pots et mettent la télé à fond, d’autres se teignent les cheveux en rose, violet ou bleu, presque toutes sont veuves, une d’elles a peur qu’un astéroïde ne s’écrase et ne les extermine tous, l’autre colporte toutes sortes de potins, une troisième se gave de biscuits, il y en a une qui picole en douce, mais toutes le savent, une autre qui se barricade de peur des voleurs, une qui continue à vouloir séduire et se comporte comme une vrai cougar, une qui prie Dieu (qui n’a pas bien l’air de répondre) et déclame des poèmes, mais toutes sont vieilles…
Et ça râle, et ça cancane, et ça se chamaille ! Une vraie cour de récréation avec des combattantes ridées, mais qui ne lâchent rien, pas un petit défaut des autres. Elles jouent au scrabble, commentent l’actualité, critiquent leurs enfants, et se critiquent entre elles. Elles sont mesquines, méchantes, font preuve d’une incroyable mauvaise foi et se tirent dans les pattes. Et elles habitent toutes à Trou, un petit village ensoleillé toute l’année où elles pensent finir leurs vieux jours tranquillement. Enfin, si l’astéroïde ne les écrase pas avant !
Sauf qu’une jeune débarque et que sa présence chamboule tout. Enfin, jeune, disons qu’elle est plus jeune que les autres, pensez donc elle a tout juste 60 ans ! Et elle vient seulement de prendre sa retraite et de s’installer dans ce village particulier et sa présence, plus celle de l’astéroïde menaçant, crée une effervescence fébrile, une agitation inhabituelle.
Et au milieu de ce troupeau, un homme ! Pierre Martin se prépare pour le marathon de Londres malgré ses 90 ans et est un séducteur né… mais bien folle celle qui se laisse prendre à son charme !
Ce roman, bien que très léger et se lisant vite, n’en a en fait que l’apparence. Car sous couvert d’humour, c’est un sujet bien tabou que l’on touche là : nos vieux, ceux qui sont seuls, rejetés de leur famille, ceux qu’on regarde de loin, qu’on n’approche pas trop, à croire que c’est contagieux la vieillesse, et qu’on pourrait d’un coup se trouver atteint de gagatisme aigüe !
Bien qu’elles soient bourrées de défauts, elles sont charmantes et attendrissantes, ces petites vieilles, mais elles serrent le cœur, car malgré le soleil qui brille sans discontinuer (dites, on ne pourrait pas avoir une petite pluie, un petit nuage pour changer de ce bleu éprouvant à la longue ?), malgré leurs réunions, leurs papotages, elles sont seules. Les maris sont morts, les enfants sont loin, que reste-t-il à vivre avant la fin du monde promise par l’astéroïde ?
Alors oui, on rit beaucoup, on sourit et on s’amuse de leurs petits travers, mais en même temps c’est un peu triste, tout ça, et on se sent un peu coupable de ne pas être là, de ne pas nous en occuper, de ces vieilles…
Une seule morale : vivre et profiter de notre jeunesse ! Et bien sûr, ne pas laisser nos vieux à nous de côté… Mais là, nous touchons à un vrai problème de société…
Les Vieilles, de Pascale Gautier. Folio, 216 p., 5,70 €. Lu en livre numérique.
Lu également par Antigone, A propos de livres, Clara, Canel, Miss Alphie, Cathulu, Pom...