Il y a, dans ce film, des images de forêt. Les premières montrent Hannah Arendt et Heidegger, après la guerre, discutant ; elles ne font à mon avis qu’évoquer un débat interne à la philosophe. Dans la scène suivante, elle sort de la forêt, seule, et retrouve la réalité : les services secrets d’Israël lui demandent de ne pas publier son livre. La forêt, c’est l’isolement, le silence, le retour sur soi ; et on dit « sortir du bois » pour dire se manifester au grand jour.
Nous sommes bien sûr confrontés à des questions politiques, mais nous allons au-delà de la politique. Nous sommes bien sûr dans des questions concernant une génération, mais nous allons au-delà des questions générationnelles. Nous sommes bousculés par ce qui arrive, par ce qu’on dit de cette femme, qu’elle est arrogante, et ce sont ces idées de la « banalité du mal », de notre complicité parfois, qui résonnent en nous. Eichmann a fait ce qu’il a fait parce qu’il ne pensait pas, analyse Hannah Arendt. Heidegger disait que penser et vivre ne coïncident pas. Ce film semble montrer que la pensée est essentielle à la vie, que penser et vivre sont imbriqués.
Et le débat ouvert par Hannah Arendt n’est pas clos.