En fin de semaine, Loto-Québec confirmait que le taux de fréquentation de ses casinos par sa clientèle locale (lire régionale) était, en diminution constante. De 21%, en moyenne, ce taux a glissé, depuis quelques années à 17%.
La baisse des profits des casinos n'est pas uniquement une tendance que l'on observe au Québec... C'est à l'exception de Macao, une tendance mondiale... Dans un contexte de décroissance de l'industrie du gambling (en dur / terrestre), les casinos québécois tirent plutôt bien leur épingle du jeu.
Lorsque l'on se compare, on se console...
La baisse des profits a été de 12% à Atlantic City et à Las Vegas les casinos ont aussi connu une diminution de leur rentabilité et ce n'est, que depuis que le début de l'année, que l'hémorragie a été stoppée. Par contre, dans le cas des casinos de Las Vegas, il faut savoir que la majorité de leur revenu ne provient plus des jeux, mais de l'événementiel c.-à-d.: spectacles, colloques, congrès, foires, etc. Las Vegas est devenue ces dernières années une destination touristique qui ne s'adresse plus qu'aux gamblers. En fait, les nombreux et prestigieux spectacles que l'on retrouve dans les casinos combinés aux nombreuses attractions offertes dans la ville en font, maintenant, une destination quasiment familiale...
Plusieurs facteurs expliquent la baisse de la rentabilité des casinos...
Les difficultés économiques des dernières années, les lois antitabac, la compétition du jeu en ligne, les contrôles d'identité (en France) et je rajouterais, la plus grande concurrence à l'intérieure d'un même pays sont tous des facteurs qui ont affecté la rentabilité des casinos.
Au Québec, c'est facteurs sont tout présent, mais contrairement à ce que prétend Loto-Québec ce n'est pas la concurrence des casinos qui se trouvent dans les autres provinces ou aux États-Unis qui en est la cause (ou si oui d'une façon très marginale). Les touristes étrangers (sauf pour celui de Hull: des Ontariens) sont presque inexistants... Il y a bien quelques jeunes Américains qui fréquentent les casinos québécois, car chez eux l'âge légal pour consommer de l'alcool et jouer est 21 ans et un petit nombre de touristes supplémentaires en haute saison, mais cet apport de touristes n'est pas très significatif.
Il ne faut pas comparer des pommes avec des oranges...
Les casinos québécois s'adressent principalement à une clientèle locale, régionale et nationale et jamais ces établissements de jeux pourront compétitionner avec ceux de Las Vegas ou Atlantic City.
La démesure de l'offre de jeu au Québec...
Cette baisse de fréquentation des casinos québécois ces dernières années correspond à la période où nous avons assisté à un accroissement sans précédent de l'offre de jeu. Il y a eu la création des salons de jeux (Ludoplex), la mise en ligne d'un casino Internet étatique (EspaceJeux), l'implantation des salles de Kinzo et d'un nouveau casino (1). C'est trop , beaucoup trop, et on peut présumer sans guère se tromper que chaque nouvelle offre de jeu cannibalise celles existantes. Il est important de préciser que de 75 à 85% des profits des casinos proviennent des jeux électroniques de type machines à sous (loterie vidéo, Keeno, etc.) et c'est justement la même clientèle qui est visée par toutes ces nouvelles offres de jeu.
D'autres facteurs...
Le vieillissement de la clientèle de Loto-Québec joue assurément un certain rôle dans cette baisse du taux de fréquentation. Les jeunes qui ont grandi avec les jeux vidéo (console de jeux et ordi) n'ont pas les mêmes intérêts pour les jeux de hasard électronique... Des jeux qui contrairement aux jeux d'adresse et d'habilité auxquels ils sont familiers, ne demandent aucune stratégie ou habilités particulières. Et ce n'est pas les astuces de Loto-Québec pour les tromper en mettant sur le marché des jeux hi Tech et multimédia qui sur utilise le tape-à-l'oeil et le near-win pour simuler des jeux de stratégie qui va les tromper.
La concurrence des établissements de jeux illégaux que l'on retrouve à Kahnawake (à qq. kilomètre de Montréal) et en ligne n'aide en rien la situation. À ce titre, le Québec et le Canada doivent, à l'instar de ce qui se fait ailleurs dans le monde, faire des efforts pour contrôler l'offre de jeu illégal.
Un autre facteur qui n'est pas à négliger: Le gouvernement du Québec et sa Société d'État n'ont plus le monopole des communications. À chaque fois que Loto-Québec et le gouvernement font une annonce en matière de jeu, les Québécois ont immédiatement accès dans les médias aux positions des critiques de l'industrie comme le mien et ceux des autres membres d'EmJeu ou des experts de la santé publique. Les Québécois sont donc mieux informés qu'auparavant sur les intentions réelles de Loto-Québecet du gouvernement et des risques associés au gambling particulièrement aux jeux électroniques...
L'inexpérience et l'incompétence des gestionnaires de casino son, selon des représentants des croupiers, des facteurs non négligeables. Ceux-ci proviennent de l’industrie touristique ou de la restauration et ils n'ont aucune expérience de l'industrie du gambling et de la gestion des casinos lorsqu'ils arrivent en fonction. Pour contourner ce problème la Société des loteries et des jeux de l'Ontario (SLJO) a cédé la gestion de son casino de Niagara Falls à un sous-traitant, MGM.
L'état est accro aux jeux de hasard et d'argent...
Cette démesure de l'offre de jeu au Québec illustre à quel point l'état québécois est devenu dépendant de cette forme de taxation régressive que sont les jeux de hasard et d'argent. Au départ, la légalisation de ces jeux obéissait à des motifs de sécurité et de santé publique, aujourd'hui nous sommes bien loin de ces motivations de départ...
Où aller chercher de l'argent chez Loto-Québec - Un coup de balai s'impose
Il y a pourtant beaucoup d'argent à aller chercher chez Loto-Québec qui gère un monopole étatique sans réelle concurrence. Le budget alloué au service corporatif de Loto-Québec est colossal et il y a place pour une rationalisation et une optimisation des postes budgétaires attribuées au sein de ce service (lire à ce sujet le billet de Pierre Desjardins) et dans l'ensemble de la société d'État. Nous pouvons aussi nous demander si c'est bien le rôle de Loto-Québec de se substituer aux ministères du Tourisme et de la Culture et de commanditer tous azimuts les activités culturelles et les festivals. Enfin, Loto-Québec devrait mettre fin illico à son aventure outre-mer largement déficitaire et vendre les actifs qu'elle possède chez le casinotier français JOA. Investir dans des casinos étrangers n'a jamais été dans les mandats de Loto-Québec. Dans ce cas, comme dans d'autres, ces investissements boiteux révèlent les graves lacunes de ses administrateurs en gestion et planification.
Alain Dubois
Mon entrevue sur ce sujet au 93 FM Québec (Serge Trudel): ICI
À lire aussi: L’irréalisme du plan budgétaire 2013-2014 pour Loto-Québec : Le jeu illégal
(1) Le casino du Mont-Tremblant fait à peine ses frais (surtout si on prend en compte les sommes investis) Pire, il a tout probablement enlever à celui de Montréal une partie de sa clientèle...