Roman - 225 pages
Editions Gallimard - septembre 2004
Editions poche Folio - septembre 2009
Paul est agriculteur ancienne génération, vissé au travail de la ferme, aux horaires étirés, au labeur de toutes saisons, attaché à ses bêtes plus qu'à sa famille. Il néglige ses enfants et encore plus sa femme, inconsidérée et si dévalorisée à ses yeux qu'il se permet de la battre allègrement. Un jour il accueille Jorge, un ouvrier agricole venu du Portugal pour l'aider une année aux travaux de l'exploitation. Il dort dans la serre parce que c'est mieux ainsi même si la chambre de feu le grand-père est inoccupée. Entre hommes ils discutent mais Paul ne veut pas céder à ce discours qui lui demanderait d'être à l'écoute de son épouse, de s'ouvrir aux sentiments, de l'accompagner dans sa maladie...Ce roman, c'est d'abord un style oral très torturé, très incorrect, et très travaillé par l'auteur, d'un bout à l'autre du livre, pour retranscrire les pensées de cet agriculteur caricatural. Il en ressort très choquant et c'est presque insupportable de voir qu'il appelle sa femme Vulve, et qu'il considère ses enfants comme une banale portée. L'auteure utilise très subtilement un champ lexical propre au bétail, ou à la limite, lorsque ce narrateur évoque ses semblables. Ce style très particulier peut être difficile à suivre, mais je l'ai accepté et j'en ai admiré la cohérence et l'improbable familiarité.
Extrait :Le résumé de l'éditeur promettait à demi mots une évolution de notre personnage au contact de l'étranger, de Jorge qui apporte son regard extérieur humain. Mais si Paul peut accepter certaines choses nouvelles dans sa vie (téléphoner à sa femme hospitalisée, accepter l'organisation d'une fête à son retour...) il ne change guère ses opinions et ses considérations asociales, au grand désespoir du lecteur. C'est donc un roman très noir, très pessimiste, un portrait désespérant de personnage rustre plus proche des bêtes. Humain trop inhumain.
"Quand on désire faire le compte c'est pas aisé, vu qu'ils se bougent sans arrêt et se tiennent pas disponibles, pas sages et prêts à l'appel mais à courir les prairies à soulever chaque brin d'herbe. On sait plus trop quand on croise, si c'est le même ou le grand-frère ou s'il y a des jumeaux. Quelques uns quand même je les connais : il y a celui des crevasses creusées par la maladie, celui des fosses, mais peut-être que c'est le même, un qui a le nez du père, pas réussi, et celui presque malade qui tousse encore de l'angine, et puis celui qui est femelle et qui dit rien qu'on entende du premier coup, que par exprès on oublie quand on réclame, c'est pas la peine et ça a pas la vigueur, et ensuite quand les sèves montent ça nous devient une bonne femme."
L'avis de Mapero - W O D K A
Interview de l'auteure - RTS