J’adore organiser des soirées télévision entre amis. On passe la soirée à se goinfrer et à baver sur le programme. Peu d’émissions méritent une telle attention. La première de la Star Academy (repérer les malades, les cas sociaux, les candidates enceintes ou les pédégouines), la cérémonie des Miss France (avec une attention toute particulière à la morve verdâtre qui coule systématiquement du nez de l’heureuse élu et la couronne qui arrache les cheveux pour finir par tomber du le nez), les séances de casting de la Nouvelle Star, mais surtout le concours de l’Eurovision.
Quand j’étais tout petit, le titre était prestigieux. Depuis une vingtaine d’années, ce concours est synonyme de ridicule et de mauvais goût. Les titres présentés sont des merdasses inodores incolores et insipides. Seuls les artistes ayant tenté de choquer (Dana international avec son fameux Diva en 1998) ou de ridiculiser le concours (Hard Rock Hallelujah du groupe finlandais Lordi, tout droit sortis d’un épisode de Star trek) restent dans les mémoires, sans pour autant vendre plus de disques.
Le choix des artistes devant représenter notre beau pays reste cornélien. Personne ne veut aller au casse pipe. Les représentants sont soit choisis par le jeune public de France 3, soit par un jury de spécialistes de la spécialité. Les dernières années ont ainsi vu défiler la célèbre Marie Line avec “Où aller” (ouhlala, 24ème place), Nayah avec “Je veux donner ma voix” (19ème), Sophia Mestari avec “On aura le ciel” (23ème), Natasha Saint-Pier avec “Je n’ai que mon âme” (4e), Sandrine François avec “Il faut du temps” (5e), Louisa Baïleche avec “Monts et merveilles” (18ème), Jonatan Cerrada avec “À chaque pas” (15ème), Ortal avec “Chacun pense à soi” (23ème), Virginie Pouchain avec “Il était temps” (22ème), et enfin les Fatals Picards chers à Eustazio avec “L’amour à la française” (22ème). La France a toujours choisi d’envoyer un artiste chantant en français ou dans une langue régionale, privilégiant systématiquement la langue à l’originalité ou à l’efficacité. La question suivante mérite cependant d’être posée: faut-il terminer dans les premiers en chantant un titre original en anglais, dans les derniers en chantant de la soupe en français ou être directement éliminé en chantant une bouse en flamand? Tout en prenant en compte un autre paramètre, le pipage des dés: les pays votent généralement pour un pays appartenant à leur zone d’influence. Le nord vote pour le nord, l’est pour l’est, les baltes pour les baltes.
François-Michel Gonnot a récemment déposé une question écrite à l’attention du ministre de la culture Christine Albanel. Le député UMP de l’Oise s’est dit profondément choqué qu’un candidat français délaisse la langue de Molière pour la langue de Shakespeare. Interrogé sur Europe 1, le politicien s’étonne que le français, deuxième langue la plus parlée dans le monde, soit autant méprisé par les dirigeants de France 3 et demande au ministre de lui indiquer les démarches que le gouvernement va entreprendre auprès de France 3 et de l’Eurovision pour qu’une chanson interprétée en français représente la France au prestigieux concours. Sébastien Tellier s’en prend plein la gueule pour avoir accepté de nous représenter à ce concours. Il parait étonnant qu’un élu de la République puisse encore affirmer que le français soit la seconde langue la plus parlée au monde. Le français est bien malheureusement considéré depuis de nombreuses années comme langue exotique avec moins de 4% de la population mondiale le parlant. Rien qu’en Europe, la langue allemande est plus pratiquée avec quatre-vingt dix millions de germanophones contre seulement soixante-dix millions de francophones. Sans compter sur l’espagnol en pleine expansion, sur le mandarin, l’hindi, ou même le portugais. Quant à l’interventionnisme du député sur un sujet aussi futile.
François-Michel Gonnot pourrait découvrir que dans beaucoup d’administrations françaises, les documents de travail et, de facto, la langue officielle est l’anglais. Il pourrait également se rendre compte que les projets associés à la francophonie ont depuis longtemps été sacrifiés afin de satisfaire les ambitions personnelles des différents politiciens en charge du dossier. L’exemple le plus flagrant en est TV5, chaîne initialement créée pour diffuser des programmes francophones dans le monde entier. La France tente depuis quelques mois de se débarrasser de ses partenaires suisse, québécois et belges pour mettre la main sur la chaîne et diffuser la bonne parole depuis l’Elysée et le ministère des affaires étrangères. Radio Moscou quand tu nous tiens.
Mais doit-on s’étonner d’une telle démarche d’un député UMP certainement en mal de publicité ou de reconnaissance? Il est toujours intéressant de se connecter sur le site internet de l’assemblée nationale afin de connaître les dernières questions posées par les élus de la République ou les derniers projets de loi. François-Michel Gonnot s’est notamment intéressé aux conditions d’attribution de la médaille de la Famille française, à la situation de 3 000 gardes-champêtres communaux et intercommunaux de France qui disposent selon lui de moyens insuffisants, à la situation inquiétante du fichier national canin, ou encore aux spoliations dont ont été victimes, après la révolution de 1949, les ressortissants français en République populaire de Chine. Ce député a également tenté de faire passer une loi permettant d’offrir aux cafés, bars, tabacs, restaurants et discothèques le choix entre la qualité d’établissement non-fumeur et la qualité d’établissement fumeur (se tamponnant ainsi de la santé publique), une loi visant à ramener de trois ans à un an la période de restitution des points du permis de conduire (…), et a enfin soumis à l’assemblée une proposition initiée par son collègue UMP Christian Vanneste, visant à modifier la composition du Conseil des prélèvements obligatoires.
Je propose donc que tous les noms à consonance étrangère soient francisés (Nicolas Sarrequausie, Rachel Datte, Roger Quarroutche, Nathalie Quosciusquault-Morizet), que tout programme audiovisuel non francophone soit banni de notre territoire, la reconstruction de la ligne Maginot et enfin que les opéras italiens, allemands et anglais soient traduits et que l’on coupe les couilles à Sébastien Tellier.
Sodomiser les diptères, quelle jolie expression.