Auteur :Douglas Kennedy.Langue originale :Anglais.
Traduction : Bernard CohenÉditeur : Pocket.Date de parution :2009.Pages :251.Prix :6,70€.
Ce qu'en dit l'éditeur
Quelques règles élémentaires de survie :Avec Piège Nuptial Douglas Kennedy revisite l'emblématique "Sex & drugs & rock & roll" chanté jadis par Ian Dury et soumet aux lecteurs un nouvel adage, plus désopilant dirons-nous : "sexe, bière et tubes des années 60".
1) Ne jamais conduire en pleine nuit sur une route déserte : un kangourou se ferait une joie de défoncer votre pare-choc.
2) Ne jamais céder aux charmes d'une auto-stoppeuse du cru.
3) Et ne jamais se laisser droguer, enlever et épouser par ladite autochtone.
Dans son village, en effet, le divorce n'est pas autorisé. Mais le nombre de veuves y est impressionnant…"Mené à un train d'enfer en direct du Styx, le récit ferait dresser les cheveux sur la tête d'un chauve, tant est piquant le suspense !" Valérie Lejeune - Le Figaro Magazine
Dans ce récit, sont en effet prépondérants le toucher (ou plutôt ici le "cogner"), le goût (au programme la découverte de la cuisine locale !) et l'ouïe (retour sur nombre de standards démodés). Mais pas que. Bien qu'absent de cette triptyque, l'odorat demeure le sens le plus développé par Douglas Kennedy. Il émane en effet de Piège Nuptial un relent insoutenable, à mi chemin entre la sueur et le kangourou grillé, la puanteur et la crasse. Naturellement, cette emphase olfactive et plus largement cette utilisation omnipotente des sens servent toutes deux un objectif : oppresser le lecteur et ainsi rendre une intrigue a priori abracadabrantesque réaliste.
Dans le révolu Cul-de-sac, un trentenaire
désabusé (Nick) décide, sur un coup de tête, de tout quitter pour un territoire inconnu : l'Australie (jusqu'ici, rien de bien original, je vous l'accorde). Durant son périple, il sympathise toutefois avec une singulière auto-stoppeuse (Angie) qui fait basculer le récit. D'ordinaire il devient cauchemardesque puisqu'elle le kidnappe, l'épouse et l'oblige enfin à vivre au sein de sa communauté à Wollanup (!). Pas de plages idylliques et de surfeurs blonds en vue donc mais le poisseux outback australien dans lequel évolue, le lecteur s'en rend compte progressivement, un microcosme profondément arriéré.Les habitants de Wollanup sont effectivement, pour la plupart, des alcooliques aliénés régis par d'absurdes lois dont celle du plus fort. Toutefois, aussi farfelus et détestables soient-ils, j'ai grandement apprécié les membres de cette communauté moribonde (scoop : j'aime les personnages hargneux et bougons) et, également, les surprenantes particularités de leur vivre ensemble (divorce interdit, système bancaire propre, rôle de la femme etc). L'auteur a également le mérite de mettre en valeur un anti-héros (ledit Nick) qui, jusqu'à la fin, restera fidèle à sa conception originelle du monde (que je tairai ici pour ne pas vous spoiler).
Pourquoi une notation si mitigée alors, me direz-vous ? D'abord parce que j'ai été extrêmement gênée – puis profondément agacée – par le style mi plouc mi viril retranscrit par la traduction (au passage, je dessers le César de l'expression la plus insupportable à "mon cheuri" qui m'a valu un séjour à l'hôpital littéraire pour overdose). J'ai conscience, au vu de l'histoire et des personnages qui le composent, que l'emploi de l'argot s'avérait propice, car plus réaliste, mais force m'est de constater qu'il a mis à rude épreuve ma patience (et tolérance), d'autant plus que les dialogues sont nombreux.
En outre, je n'ai pas été séduite par la première partie du récit qui m'a semblé interminable ce qui, vous en conviendrez, est fort regrettable pour un livre qui ne compte que 250 pages. Il a en effet fallu attendre que Nick soit pris dans le cul-de-sac – d'où le titre originel – nuptial dont je vous parlais ci-dessus pour que l'intrigue s'amorce réellement et l'arrivée d'un personnage dont je tairai le nom pour que mon intérêt soit pleinement éveillé. C'est d'autant plus fâcheux que Douglas Kennedy prouve, dès la troisième partie de son livre, qu'il sait rendre un récit palpitant.
Enfin, j'attendais une habile réflexion sur notre société contemporaine, comme parait-il l'auteur sait si bien le faire, et plus spécifiquement sur le mal être de l'homme moderne (pourquoi tout quitter, qu'espérons-nous trouver ou peut-être fuir ?) mais, à ma grande déception, je n'ai trouvé aucune profondeur dans Piège Nuptial
– qui a toutefois, c'est important de le souligner, eu la malchance d'avoir été lu en même temps que La vie sexuelle des super-héros qui lui, livre une réflexion tout à fait passionnante et difficilement égalable.En résumé, un thriller rocambolesque particulièrement suffocant mais malheureusement truffé d'expressions familières qui peuvent, pour certains, gêner voire ruiner le plaisir associé à la lecture. Malgré tout, un diesel sympathique.
Le petit plus Certains passages de Piège Nuptial m'ont rappelé l'émission Automoto, à ceci près qu'au lieu de ne strictement rien comprendre et de zapper, j'ai ici été intriguée (bon, le fait que je prépare actuellement mon permis a sans doute aidé). J'ai ainsi pu découvrir la mécanique d'un véhicule dans ses grandes lignes et élargi, en parallèle, mon vocabulaire (quoi, vraiment, vous ne rêvez pas de pouvoir utiliser le mot "rivet" dans votre vie courante ?). Bien sûr, ce roman n'insuffle pas la passion de l'automobile (on l'a ou on l'a pas) mais on en ressort nettement moins ignare.
N'hésitez pas si :
- voulez découvrir une autre facette de l'Australie (ici, pas de plages idylliques mais l'aride arrière-pays) ;
- vous avez un faible pour les anti-héros (vous allez être servi, pas le moindre angélisme avec Douglas Kennedy) ;
- vous aimez les ambiances oppressantes ;
Fuyez si :
- l'argot vous insupporte ;
- vous recherchez un thriller trépidant (l'intrigue ne démarre vraiment qu'à la moitié du livre et le rythme ne s'accélère qu'à la toute fin) ;
- vous préférez le récit aux dialogues ;
Le conseil (in)utile
Si un de vos amis (ou votre moitié) envisage de partir à l'aventure en Australie et que vous êtes à court d'idées pour le retenir, offrez-lui Piège Nuptial. Rien de mieux en effet pour le dégoûter du pays des kangourous. C'est enfin le livre idéal pour les célibataires endurcis qui y trouveront une raison supplémentaire de ne pas s'aventurer dans une relation, encore moins dans un mariage.
En savoir plus sur l'auteur
Au départ, Douglas Kennedy est un homme de théâtre : d'abord régisseur à Broadway puis cofondateur d'une compagnie théâtral à Dublin et enfin administrateur du National Theatre of Ireland, il quitte cette branche en 1983 pour le journalisme (il travaille notamment pour l'Irish Times) et plus largement pour l'écriture. En 1986, il publie sa première pièce qui malheureusement ne rencontre pas le succès escompté. Piège Nuptial (anciennement Cul-de-Sac) parait près de 10 ans plus tard, en 1994 et connait un vif retentissement. C'est toutefois L'Homme qui voulait vivre sa vie qui hisse Douglas Kennedy au rang des grands auteurs américains. Traduit dans seize langues, il marque le début d'une longue liste de réussites (Les Désarrois de Ned Allen, La Poursuite du bonheur, Rien ne va plus etc). Plusieurs de ces romans ont en outre été portés à l'écran, dont Piège Nuptial, en 1997 et sous le titre de Welcome to Woop Woop (sources : wikipedia.org et evene.fr).Ce livre s'inscrit dans un de mes challenges : les 170 idées.