Si vous avez un sentiment désagréable lorsqu’on vous parle de sécurité sociale, de système de soins français que le monde nous envie, et d’excellents remboursements de prestations médicales, c’est normal : plus personne ne semble réellement croire à ces fariboles. Le problème avec les systèmes collectivistes, c’est que même lorsqu’on a cessé d’y croire, il faut continuer à les financer. Et en période de crise, ça pose de furieux problèmes.
C’est un peu toujours le même problème avec les bonnes intentions mal boutiquées financées sur la bonne volonté, les calculs faux et une bonne dose de mensonges optimistes : ça finit toujours en catastrophe budgétaire. De ce point de vue, l’ensemble des différentes branches de la sécurité sociale (chômage, maladie, retraite) répond de façon parfaitement prévisible à ce qu’on pouvait attendre d’un système collectiviste qui aura soigneusement détaché les responsabilités de ceux qui coûtent aux devoirs de ceux qui payent : c’est la faillite.
Oh, bien sûr, pour le moment, on louvoie, on bricole, on travestit un peu la réalité parce qu’on la sait douloureuse et ce peuple enfantin que les politiciens dirigent ne pourrait encaisser pareille nouvelle. Pensez donc ! « Votre retraite ? Des nèfles. Les indemnités chômages ? Cacahuètes. Les remboursements sécu ? Peanuts. » Voilà qui n’est pas très vendeur électoralement parlant.
François Bricorama et Jean-Marc Jardiland occupent donc le terrain pour arrondir les angles qu’on va de toute façon se prendre dans la pommette. Avec les retraites, ce qui était du domaine de l’impossible (augmenter la durée des cotisations) est redevenu réalité dans la décontraction qui caractérise les gens déjà élus dont les promesses n’engagent finalement personne, pas même ceux qui les ont écoutés, ces derniers étant endormis on ne sait trop où.
Pour le chômage, ne vous inquiétez pas : les tours de passe-passe statistiques suffiront à pipeauter le peuple. Dans mon godet droit, la catégorie A. Dans mes deux autres godets, du vide élyséen. Je déplace un peu par ici, un peu par là, zip, zoup, la main est plus rapide que l’œil, zip, zoup, catégorie D, catégorie E, ni vu, ni connu, zip, zoup, et où sont les chômeurs ? Dans le godet du milieu ? Non. Dans le godet de droite ? Non plus. Celui de gauche ? Eh non. Disparu. Pfuit. Sacré François.
Quant à l’assurance maladie, il en ira de même : puisqu’on n’arrive plus à boucler les budgets, dépensons l’argent autrement, c’est-à-dire arrêtons de le dépenser, et, si possible, continuons de faire payer ces cochons de riches (pour rappel, est riche en France celui qui gagne plus de 1700€ net, le salaire médian). Comment allons-nous nous y prendre, et surtout, quelle gélatine devra enrober le suppositoire à hameçon pour qu’il s’insère sans douleur ?
Le plus simple, dans ce genre de cas, c’est de faire appel à quelques chercheurs du CNRS triés sur le volet pour être à l’économie ce que l’aspartame est au glucose. Le mode de fonctionnement est simple, regardez : on insère une subvention de recherche dans la fente ici, on pousse sur le gros bouton rouge là, cela fait un petit ronronnement rassurant, et en quelques minutes, un « plonk! » mat nous indique qu’une étude vient de tomber. Et ce sont donc Pierre-Yves Geoffard (CNRS) de la Paris School of Economics et Grégoire de Lagasnerie (doctorant au CNRS) qui décrochent la timbale en préconisant de réformer le système de remboursement de la Sécurité Sociale en prenant en compte le revenu des malades.
Oh, une réforme ! Que voilà une bonne idée ! Il est vrai que la réforme des systèmes collectivistes, en France, se faisait attendre puisqu’on n’en parle qu’une fois ou deux par an.
Cette fois-ci, on part donc de la constatation, navrante, que « malgré sa générosité, le système français ne réussit pas véritablement à garantir à l’ensemble de la population une couverture suffisante à un prix acceptable ». Zut alors. Et pour corriger cela, rien de tel qu’instaurer un système de franchises et de plafonds, en proportion des revenus des assurés sociaux pris individuellement (et non en ménage). Miam.
Eh oui : de la même façon que votre assurance auto ou habitation est plus chère si vous êtes un salaud de bourgeois ou très abordable si vous êtes un adorable pauvre, on va moduler l’assurance santé en fonction de vos revenus. Parce que la Sécurité Sociale n’assure pas un risque, au contraire des assurances capitalistes et assez scandaleusement égalitaires au point de ne faire aucune différence entre l’assurance du pauvre et l’assurance du riche. La Sécurité Sociale n’assure rien. Ce n’est plus son rôle. Fini. Maintenant, elle est un outil qui va vous faire payer une situation sociale, qui va vous facturer votre opulence, vous punir de votre entregent, votre intelligence, ou votre meilleure fortune. Quelle idée lumineuse ! Se faire rembourser au lance-pierre pour un traitement approximatif décidé au cours d’une séance de 15 minutes chez un praticien stressé et sous-payé ne permettant pas d’équilibrer les comptes, on passe donc à l’étape suivante : plus de remboursement du tout si vous êtes correctement habillé, ponctuel, que vous parlez bien ou que vous avez un salaire honteusement discriminant face aux populations dans le besoin.
On peut le dire, c’est bien fait. Fallait pas être riche, ni voter socialiste. Tant pis pour vous. On vous avait prévenu.
Et puis, après le mouvement déjà entamé qui a cadenassé les salariés aux complémentaires santé, comment vouliez-vous compter sur une libéralisation de la Sécu ? Je vous le rappelle : le peuple français ne veut pas de ce méchant ultra-turbo-libéralisme qui croûte 56% du PIB ! Il n’en veut tellement pas que d’ailleurs qu’il s’en enfuit de plus en plus, dans le silence opaque d’une presse qui s’obstine à faire un travail mémorable sur le sujet (de ce point de vue, Contrepoints est, réellement, le seul organe qui diffuse le fait pourtant avéré qu’on peut s’extirper des organismes collectivistes de sécurité sociale). On arrive à un rythme de 500 individus par semaine qui se disent que le changement, c’est maintenant et le collectivisme, c’est super, mais c’est pas pour eux…
On le voit : la situation se dégrade, les idées de plus en plus consternantes se répandent dans le gouvernement, et comme ça ne marche toujours pas, c’est qu’il n’applique pas suffisamment ses recettes pourries à tout ce qu’il peut. Et puisque la Sécurité sociale est maintenant en faillite, pourquoi ne pas étendre l’idée à l’immobilier ?
Oui, vous avez bien lu : l’inénarrable Cécile Duflot propose actuellement de badigeonner le secteur de l’immobilier, déjà gravement touché par les interventions de l’État, d’une bonne nouvelle couche d’interventionnisme et de collectivisme en (au mieux) rendant obligatoire l’assurance privée, ou, au pire et selon toute vraisemblance, ce qui sera choisi, en instaurant une « sécurité sociale du logement » alimentée à parts égales par les propriétaires et les locataires. Dans les colonnes du Monde,Jean Perrin, président de l’Union nationale de la propriété immobilière, remarque avec la méchanceté de ces esprits perfides typiquement turbolibéraux que c’est une « idée absurde d’une caisse, quand on voit le trou de la Sécurité sociale ».
Il n’y a pas à tortiller : si vous pensiez que pour la France, le pire était atteint, c’est que vous manquiez d’imagination.