La petite excitation consécutive à la conférence de presse de François Hollande du 16 mai dernier retombe doucement. Trois jours se sont écoulés, et déjà, tout semble avoir été dit : comme on s'y attendait facilement, la droite l'a trouvé médiocre, les socialistes lui ont découvert une stature présidentielle, et les crypto-staliniens le considèrent comment évidemment bien trop à droite...
Le lendemain de la séquestration de 400 journalistes par le chef de l'exécutif français pendant plusieurs heures, dans un décorum intégralement baigné de formol, les plus lucides se sont fendus d'une analyse sans demi-teintes de la pitoyable performance de François Hollande : finalement, notre bonhomme n'a proposé aucun ajustement drastique de sa politique, aucun remaniement, aucune remise en question. Alors que le pédalo a déjà heurté le mur, le petit capitaine continue de pédaler sans aucunement changer de cap, donnant l'impression à tous que le fait d'arrêter ses frénétiques mouvements de jambes montrerait instantanément à quel point le pauvret ne sert à rien. Tout indique que la situation n'a pas été analysée correctement ou que si elle l'a été, il s'en contrefiche. De toute façon, comme pour tout bon socialiste, si la réalité lui fait des misères, c'est que cette réalité est ultra-néo-libérale et qu'il va falloir redoubler d'efforts pour la plier à ses desiderata.
Et en matière de manipulation de la réalité, il ne faut jamais oublier que nos dogmatiques élites, de Peillon à Vallaud-Belkacem en passant par Mélenchon, Valls ou Moscovici, jusqu'à François Hollande, tous en connaissent un rayon. D'ailleurs, on peut légitimement supposer que l'annonce répétée par le chef de l’État d'une inversion de la courbe du chômage d'ici à la fin de l'année tient du même procédé : naïfs sont ceux qui croient encore à la baisse réelle du chômage, mais il est relativement aisé d'imaginer les bricolages que notre président fera pour atteindre cet objectif fumeux. Entre la création accélérée de nouveaux postes (non provisionnés) dans les services publics et le déplacement subtil mais inévitable de paquets de chômeurs de la catégorie A vers les autres, moins exposées, on sait déjà que l'inversion de la courbe sera tenue.
Ce sera, bien sûr, de l'embrouille, de la pure filouterie.
Mais tout le monde s'en fiche, et de toute façon, rares sont ceux qui croient encore à Pépère : même les étrangers, généralement prudents lorsqu'ils analysent la situation française, ne peuvent s'empêcher de noter que la situation se dégrade franchement, et en viennent même à se demander si le Président ne s'est pas auto-drogué au patriotisme au point de planer sans plus aucun lien avec la terre ferme de la réalité.
Le résumé est plutôt sombre : la hausse continue et accélérée des impôts et des prélèvements va détruire, directement et indirectement, 70.000 emplois en France en plus des emplois qui auraient été détruits de toute façon à cause de la conjoncture, déjà catastrophique. En effet, cette hausse se traduit par plus de 12 milliards d'euros d'impôts supplémentaires sur les entreprises, une ponction de 0.5% sur la croissance (ça tombe bien, elle est vivace actuellement !), pas loin de 100.000 emplois détruits dans le secteur marchand en 2012 (et 160.000 prévus en 2013). Si l'on ajoute à cette photographie d'un passé douloureux des perspectives d'avenir calamiteuses (l'évolution du taux de marge des entreprises, en France, ne cesse de décroître, ce qui les rend de moins en moins rentables), on se demande exactement quelle sera la teneur de la prochaine conférence de presse de François Hollande, et si elle aura bien lieu dans six mois, ou dans la rue, au milieu de manifestations populaires massives et pas du tout bon enfant...
Que du bonheur, donc.
Seule petite douceur amusante à glisser au détour d'un dîner mondain pour éviter de foutre un ambiance de cimetière après une telle description : le président a lâché, en prenant cependant moult précautions, que "Dans de nombreux domaines, pas tous, le silence de l’administration vaudra désormais autorisation et non plus rejet. Ce sera effectivement un changement considérable. Il doit être limité à des domaines". C'est passé inaperçu de la plupart des commentateurs, mais cela pourrait être une vraie révolution, si, bien sûr, l'expression "limité à des domaines" employée par le chef de l’État ne présage pas un de ces changements minimalistes voire symboliques auxquels il nous a déjà habitué.
En effet, plusieurs milliers de domaines administratifs et de procédures afférentes sont soumis actuellement au principe de "silence valant refus" : toute demande auprès de l'administration, non suivie de réponse dans les deux mois, est considéré comme un refus. L'inversion de ce principe proposé avec des moufles par un président goguenard pourrait simplifier grandement la vie des administrés : les administrations ne sont plus réputées pour leur rapidité de traitement, ni pour la solidité de leur argumentaire lorsqu'il s'agit d'expliquer pourquoi elles ne sont pas d'accord. En outre, leurs ressources humaines, déjà tendues par les millions de cas particuliers, les milliers de lois, décrets et circulaires, à prendre en compte, seront complètement mises dans le vent si une telle décision devait s'étendre au maximum de leur prérogatives. Ce qui veut dire que le "changement considérable" du Président se traduira très probablement par ... une variation microscopique. Et puis, soyons réalistes : une petite sucrerie après un bol de ciguë ne calmera pas les douleurs abdominales carabinées qui interviendront de façon inéluctable.
La conclusion est limpide : après un an d'ennui, Hollande nous promet un an d'embrouilles.
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