Pour la première fois, un dispositif à base d’électrodes implantées entre le crâne et le cerveau a permis de prédire la survenue des crises d’épilepsie. Mais le taux d’efficacité n’est que de 65 % dans le meilleur des cas, et il existe aussi des risques de complications.
L’épilepsie est une maladie qui affecterait près de 50 millions de personnes dans le monde dont 400.000 Français, selon l’OMS. Elle frappe majoritairement les pays les plus pauvres. Elle se caractérise par l’apparition soudaine d’une crise se traduisant parfois par une perte de connaissance associée à des convulsions, ou se manifestant dans d’autres cas sur quelques régions du corps uniquement. Les médicaments existants ne permettent pas toujours de bien contrôler les symptômes et on ne dispose encore d’aucun traitement curatif.
Mais bon nombre de patients se plaignent davantage de l’imprévisibilité descrises épileptiques plutôt que des manifestations cliniques. Car cette soudaineté gâche le quotidien des malades et les expose à des risques importants, particulièrement lorsqu’ils sont au volant d’une voiture ou au milieu d’une piscine.
Pour la première fois, un dispositif, créé par la société NeuroVista, propose de détecter les crises avant qu’elles ne se produisent. Le système a été testé avec un succès encore très relatif dans trois hôpitaux australiens. Les résultats sont accessibles dans The Lancet Neurology.
Un implant qui prévoit les crises d’épilepsie dans 65 % des cas
Dans cet essai clinique, 15 patients âgés de 20 à 62 ans ont pris part aux expériences qui ont duré une année. Ce système repose sur des électrodes implantées entre le crâne et le cerveau, visant à détecter les activités électriques anormales caractéristiques des crises. Celles-ci sont connectées à un dispositif sous-cutané placé au niveau de la poitrine, qui va analyser les informations. Ces données sont ensuite envoyées à un boîtier manuel équipé de trois Led colorées : quand le rouge clignote, le risque de crise est élevé, le blanc signale un risque modéré, et les probabilités les plus faibles sont présentées en bleu.
À la différence de la stimulation cérébrale profonde (ici à l'image), l'implant de NeuroVista détecte les impulsions électriques du cerveau mais n'induit aucuncourant électrique. Il sert à repérer les anomalies à l'origine des crises épileptiques. © Hellerhoff, Wikipédia, cc by sa 3.0
Dans les premiers temps de l’expérience, le système était seulement chargé de s’éduquer : à partir des données encéphalographiques collectées avant et pendant les crises, il s’ajustait ainsi à chaque individu. Les quatre premiers mois, le dispositif a efficacement prédit l’imminence des crises dans 65 % des cas pour 11 des 15 patients. Une réussite qui ne peut pas être imputable au hasard. Mais avec le temps, le dispositif s’est montré moins pertinent. Les mois suivants, l’efficacité est descendue à 56 % chez 8 de ces 11 patients.
Une réelle avancée contre l’épilepsie ?
Autre point noir : les effets indésirables. En tout, les auteurs en ont dénombré 11 durant l’essai clinique, dont 4 graves. Chez l’un des patients, le dispositif s’était détaché de ses sutures et se promenait dans le crâne. Chez un autre, la mise en place du système s’est traduite par une accumulation de liquide, conduisant à de fortes migraines. Tous les cas ont pu être soignés. Pour les chercheurs, les techniques d’implantation intracrânienne s’accompagnent toujours de ce type de complications, et ce dispositif ne fait pas pire que la stimulation cérébrale profonde, utilisée par exemple contre Parkinson, l’obésité ou la dépression.
Pour de nombreux scientifiques, cet implant est une avancée majeure. Mais les résultats de cet essai clinique suffiront-ils à convaincre ? Ce n’est pas sûr. Son taux d’échec étant élevé (effets indésirables nombreux et prédiction peu efficace des crises), les patients eux-mêmes auront peut-être du mal à se fier à un tel traitement. Sans parler du risque inhérent à toute trépanation…
La suite à donner paraît évidente : améliorer la sécurité et l’efficacité. Les chercheurs pensent déjà pouvoir récupérer des données exploitables par des procédures moins invasives, en plaçant par exemple les électrodes sur le crâne plutôt qu’à l’intérieur. C’est donc un premier pas qui vient d’être fait contre l’épilepsie, mais la route est encore bien longue avant de pouvoir prédire les crises.