Au MIT, des chercheurs ont conçu une application de réalité augmentée qui peut superposer une interface utilisateur virtuelle sur n’importe quel objet physique. Le but est de pouvoir programmer de façon plus intuitive les fonctions des appareils concernés et d’en simplifier l’usage au quotidien.
La Conference on Human Factors in Computing Systems (CHI 2013) qui vient de s’achever à Paris fut l’occasion de découvrir plusieurs innovations prometteuses, comme le concept Illumiroom de Microsoft. Dans le domaine de la réalité augmentée, Futura-Sciences s’est intéressé au projet Smarter Objects, présenté par les chercheurs du Fluid Interfaces Group au laboratoire Media du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il s’agit d’une application qui permet de programmer les fonctions d’objets physiques, à partir de l’écran tactile d’un smartphone ou d’une tablette.
Lorsque l’on pointe la caméra du terminal vers un appareil, par exemple une chaîne Hi-Fi, Smarter Objects crée automatiquement une interface graphique avec laquelle on peut agir sur les boutons physiques en définissant de nouveaux réglages. Dans leur article scientifique, les chercheurs expliquent que la phase de découverte et de programmation d’un appareil électronique est celle qui requiert le plus d’attention visuelle. C’est le cas par exemple pour une radio ou un téléviseur, dont il faut comprendre les fonctionnalités afin de pouvoir les régler et les personnaliser. Mais une fois qu’un objet est maîtrisé, son utilisation quotidienne se fait à l'aide des boutons de commande (allumer, éteindre, appuyer sur le bouton pour déclencher une action préprogrammée) que l’on utilise plus instinctivement.
Dans cette vidéo du MIT Media Lab, on découvre le principe de l’application de réalité augmentée Smarter Objects. À partir d’une tablette dont la caméra est dirigée sur un lecteur MP3 qui fait aussi radio FM, une interface utilisateur est générée automatiquement. L’utilisateur peut programmer les boutons physiques en ajoutant des morceaux ou des stations de radio en les faisant glisser du bout du doigt. L’application et l’appareil se connectent en Wi-Fi à un serveur qui synchronise les informations. Il est également possible d’associer des appareils entre eux d’un simple geste, comme c’est le cas ici avec l’activation d’un haut-parleur externe. © Fluid Interfaces Group, MIT Media Lab
Avec Smarter Objects, plus de fonctions, mais moins de boutons
Avec une solution comme Smarter Objects, il serait possible de simplifier certains appareils en supprimant des écrans de contrôle et des boutons de réglage qui ne servent que très peu. Les chercheurs du Media Lab ont ainsi testé un lecteur MP3 qui fait aussi radio FM, et doté de seulement deux boutons : l’un pour contrôler le volume, l’autre pour sélectionner les stations ou les morceaux. En pointant la caméra de son smartphone sur l’appareil, l’utilisateur active une interface spécifique. Il peut alors ajouter des titres MP3 ou des stations de radio en les faisant glisser du bout des doigts vers le bouton physique concerné. Toutes les modifications sont répercutées en temps réel. Une fois la programmation achevée, l’appareil se contrôle simplement à partir des deux boutons.
L’application permet non seulement de paramétrer, mais également de connecter des objets entre eux. Dans leur démonstration, les chercheurs du MIT ajoutent un haut-parleur externe simplement en traçant du doigt une ligne virtuelle entre les deux appareils. Ils ont également travaillé sur un système d’ouverture de porte sécurisé mêlant virtuel et réel. Pointé vers une porte, le smartphone affiche un pavé numérique pour composer le code déverrouillant la serrure. Le système a également été testé avec un interrupteur que l’on peut programmer pour contrôler la couleur de l’éclairage.
Un « réseau social d’objets »
L’application Smarter Objects a été créée à partir du framework Vuforia de Qualcomm, qui transforme une image pour y intégrer des marqueurs et superposer une interface en 3D. Elle se connecte à un serveur distant via la liaison Wi-Fi du smartphone ou de la tablette sur lequel elle est installée. Le serveur fait le lien entre l’interface virtuelle et l’appareil, lui-même équipé d’un émetteur-récepteur Wi-Fi. La transmission des données au serveur repose sur le protocole Open Sound Control. À chaque fois qu’une modification est effectuée, la commande est synchronisée en temps réel avec l’appareil.
Le concept Smarter Objects pourrait se révéler pertinent pour programmer de petits appareils électroniques ou des vêtements intelligents qui ne peuvent pas recevoir un écran de contrôle ni une multitude de boutons. L’application de réalité augmentée peut permettre d’offrir un large éventail de réglages et de fonctions tout en gardant la simplicité d’usage de l’objet.
Piloter les objets de la maison depuis son smartphone
Les chercheurs citent également plusieurs scénarios dans lesquels leur innovation pourrait changer le quotidien. Dans la cuisine par exemple, avec les appareils utilisés pour une recette en réglant à l’avance la durée, la température ou le mode, et ne plus avoir qu’à appuyer sur un bouton le moment venu. Au salon, Smarter Objects peut faciliter la prise en main d’un téléviseur ou du décodeur multimédia en programmant les boutons de la télécommande de façon plus aisée. En voiture, l’application pourrait contribuer à désencombrer le tableau de bord et le volant de la multitude de boutons et de molettes qui le parsèment.
Dans un registre moins crédible, les chercheurs vont jusqu’à imaginer une tondeuse que l’on pourrait paramétrer depuis un écran tactile, un grille-pain associé au réveil du téléphone, ou encore le bouton de volume de la chaîne Hi-Fi qui servirait à contrôler la vitesse d’un mixeur. Les auteurs concluent leur article en évoquant un « réseau social d’objets » connectés entre eux grâce à leur application, où les utilisateurs pourraient partager des informations pour apprendre à mieux les utiliser. Smarter Objects n’a pas encore trouvé de débouché concret, et n’est peut-être pas près d’y parvenir. Car l’idée suppose la standardisation d’un certain nombre de protocoles et l’intégration d’émetteurs-récepteurs Wi-Fi dans tous les appareils électroniques. Une démarche qui pourrait prendre du temps, à l’heure où beaucoup de grandes marques d’électronique grand public misent sur desécosystèmes techniquement fermés afin de mieux vendre leurs produits.
Dans cet exemple, Smarter Object est utilisé pour sécuriser l’ouverture d’une porte. Un pavé numérique projeté en réalité augmentée permet de composer le code qui va déverrouiller la porte. © Fluid Interfaces Group, MIT Media Lab