Lorsque j’ai appris qu’une nouvelle adaptation cinématographique de Gatsby le Magnifique allait bientôt sortir (et faire en plus l’ouverture du festival de Cannes), j’ai décidé de me plonger dans le roman le plus connu de Francis Scott Fitzgerald.
Le roman d’une époque
Paru en 1925 sous le titre original The Great Gatsby, le roman a été un échec en termes de ventes et ce n’est que dans les années 50, soit plus de dix ans après la mort de Fitzgerald, que, réédité, le livre connut un très grand succès. Peut-être faut-il y voir un signe de la nostalgie des années 20 puisque ce livre deviendra un symbole de la littérature américaine des années jazz et des Roaring Twenties.
Nick Carraway est le narrateur de l’histoire. Il vient s’installer à West Egg, près de Long Island, pour travailler à New York. Non loin vivent sa cousine Daisy et son mari Tom, avec qui Nick était à Yale. Nick est également le voisin de Jay Gatsby, qui, arrivé depuis peu dans le voisinage, organise des fêtes somptueuses et démesurées dans son immense demeure en recevant toute la société huppée de New York. Cependant, personne ne sait vraiment qui est Gatsby, ce qu’il fait dans la vie et quel est son passé. Toutes sortes de rumeurs circulent sur son compte. Peu à peu, Nick va devenir l’ami de Gatsby et découvrir qui il est réellement.
Un drame raconté avec une écriture dense et précise
Dès le premier chapitre, j’ai été frappé par la densité de l’écriture de Fitzgerald. Chaque phrase est ciselée, pleine de sous-entendus et lourde de sens. C’est selon moi la marque des grands écrivains : parvenir à dire beaucoup en écrivant peu. Le roman se lit agréablement. Plongé dans les États-Unis des années 20, on se demande qui se cache derrière Gatsby et de quelle manière l’auteur va unir les différents personnages de l’histoire.
Et l’on découvre peu à peu que le roman est l’histoire d’un homme qui, parti de rien, cherche à tout prix à reconquérir la seule femme qu’il ait jamais aimée et qu’il n’a pu épouser dans sa jeunesse. Cette femme, c’est Daisy, la cousine de Nick, qui s’ennuie mortellement auprès de son mari volage et brutal, qui la trompe au su et au vu de tous. Fragile, idéaliste, par moments fou, Gatsby est persuadé qu’il peut « faire revivre le passé ». Et l’on comprend que le monde d’éclats, de divertissements et d’amusement qu’il a créé n’est qu’une formidable diversion, un leurre, pour se faire oublier, grâce au tumulte des fêtes de la haute société new-yorkaise, dans le seul but de se rapprocher de la femme de sa vie et de l’impressionner.
Gatsby se révèle être un personnage émouvant, auquel on ne s’identifie pas tout à fait mais que l’on admire, de la même manière que le narrateur l’admire, car lui seul connaît la vérité du drame qui se joue. Son surnom, « le magnifique » ou « the great », marque le pacte que l’auteur fait avec le lecteur puisque il est le seul à savoir pourquoi Gatsby porte si bien ce surnom.
Le film de Baz Luhrmann : un désastre évité de justesse…
Le film sorti il y a quelques jours est très décevant. Sans les acteurs, le film aurait même pu être un ratage complet tant on est éloigné de l’esprit du roman. Là où le style de Fitzgerald est tout en subtilité et porté sur la psychologie des personnages, le film est une débauche d’effets visuels et sonores indigestes et inutiles dans lesquels sont noyés les acteurs. On a même parfois la sensation d’assister à une sorte de parodie, d’une adaptation comique de l’œuvre. Quelques libertés sont prises avec le roman mais le plus grave est que le film se révèle être une lecture à contresens de l’œuvre : tout est explicite et exagéré, tout est montré et exhibé, de manière souvent caricaturale. Seul Leonardo Di Caprio sauve le film du désastre. Son Gatsby n’est pas tout à fait le Gatsby du roman mais sa prestation est excellente et constitue l’unique intérêt du film. Tobey Maguire est plutôt convaincant, à l’inverse de Carey Mulligan, qui interprète Daisy de manière très décevante, puisqu’elle se contente tout au long du film de traîner son air de chien battu et de pleurer.
Un seul et unique conseil donc : lisez le roman de Fitzgerald et n’allez pas voir le film.