Marie (Bérénice Béjo) a rencontré Samir (Tahar Rahim) et veut vivre avec lui, mais leur relation se heurte à de nombreux écueils.
Il y a déjà le problème des enfants. Les filles de Marie, Lea et Lucie ont déjà assisté au départ de leur père, puis d’un deuxième conjoint, et ne sont pas emballées à l’idée de voir leur mère tomber à nouveau amoureuse. Le fils de Samir, Fouad, a lui aussi du mal à accepter la situation. Il ne se sent pas chez lui dans cette nouvelle maison.
Il y a aussi le problème des liens matrimoniaux qui les unissent encore à leurs anciens conjoints. Marie demande donc à Ahmad (Ali Mosaffa), son ancien mari iranien, de revenir en France pour officialiser leur divorce. Pour Samir, la situation est plus compliquée, vu que sa femme est dans le coma depuis de longs mois, après une tentative de suicide ratée.
Et puis il y a aussi tous les mensonges et les non-dits qui entourent leurs histoires, les regrets, les frustrations, les malentendus.
Ainsi résumé, le récit a l’air très simple, et déjà vu mille fois sur grand écran. Mais Asghar Farhadi a déjà prouvé qu’il était un très grand conteur. Son scénario, mécanique d’une précision parfaite, révèle ses subtilités peu à peu, apportant un éclairage nouveau sur les évènements au coeur de l’intrigue et permettant d’explorer toutes les facettes des personnages.
Le cinéaste parvient en effet à restituer à l’écran toute la complexité des sentiments humains. Il ne porte jamais de jugement sur ses protagonistes, mais les décrit tels qu’ils sont, imparfaits, agaçants parfois, mais attachants, bardés de qualités et de défauts, capables d’accès de colère ou de tendresse, de jalousie ou de compassion. Des êtres qui vibrent, qui aiment, qui haïssent avec passion. Des êtres qui souffrent mais qui essaient de s’accrocher à la vie, vaille que vaille.
Tous ont une fonction dans le récit. Ils le font progresser, l’enrichissent de nouvelles possibilités narratives et thématiques. C’est pourquoi Asghar Farhadi veille à apporter à chacun d’entre eux une attention toute particulière. Cet équilibre entre les différentes composantes du récit, entre les différents personnages, adultes ou enfants, constitue la grande force du film.
Les comédiens font le reste…
Evidemment, avec des acteurs aussi justes que Bérénice Béjo, Tahar Rahim et Ali Mosaffa, on n’avait peu de doutes sur la réussite de ce projet artistique. Mais le talent, parfois, ne suffit pas, il faut aussi créer une alchimie de jeu, et c’est au metteur en scène qu’incombe cette tâche. Ici, la complémentarité des acteurs est indéniable. Et le talent de directeur d’acteurs d’Asghar Farhadi est également perceptible dans son travail avec les acteurs moins connus, et notamment les enfants. On n’est pas près d’oublier le regard plein de tristesse et de rage du petit Elyes Aguis, ni celui de Pauline Burlet, qui joue la fille aînée de Marie.
Tous sont magnifiques et bouleversants.
Le seul bémol que l’on pourrait apporter à l’éclatante maîtrise de ce film est qu’il est peut-être légèrement inférieur, thématiquement parlant, à Une séparation ou A propos d’Ely. Parce qu’il a été tourné en France, dans un contexte évidemment moins complexe que celui de la société iranienne contemporaine, qui servait de toile de fond aux précédents films du cinéaste.
Mais cela n’enlève rien aux qualités de ce très beau film, tout à fait au niveau de ce que l’on attend d’une oeuvre présentée en compétition officielle à Cannes.
En tout cas, Le Passé est une réussite de plus à mettre au crédit d’Asghar Farhadi, qui, en dix ans et six films, n’a pour l’instant commis aucune erreur de parcours…
Notre note : ●●●●●●