J'ai animé jeudi dernier une conférence-débat au centre culturel Pierre
Messmer de Saint-Avold, dans le cadre de l'Université du Temps Libre. Afin d'expliquer pourquoi l'austérité généralisée conduit la zone euro à sa perte, j'ai fait un détour par la dette publique
et montré que nombre de dirigeants politiques se trompent sur la nature de la crise. D'ailleurs, dans quelques jours, je ferai paraître un nouveau livre - petit par la taille, mais grand par
l'ambition (parler d'économie sans graphiques, ni mathématiques) - qui permettra d'y voir plus clair sur le sujet...
J'aurai l'occasion d'en reparler dans un billet qui annoncera la parution officielle du livre, mais pour l'instant on peut retenir que la crise au sein de la zone euro est présentée comme la résultante d'un endettement excessif des États et des administrations publiques, alors qu'il s'agit surtout d'une crise de la balance des paiements, comme je l'avais expliqué dans ce billet.
Dit autrement, ce sont les déséquilibres des balances courantes qui sont à l'origine de la crise au sein de la zone euro, puisque certains pays ont un déficit extérieur structurel (c'est-à-dire une balance courante structurellement déficitaire) qui les oblige à s'endetter sans cesse à l'étranger jusqu'au point de rebuter les prêteurs non-résidents à continuer de prêter.
Pour mémoire, la balance des paiements retrace sous une forme comptable l'ensemble des flux d'actifs réels, financiers et monétaires entres les résidents d'une économie et les non-résidents au cours d'une période déterminée. La balance courante, qui est une composante de la balance des paiements, se restreint à comptabiliser les flux de biens, services, revenus et transferts courants.
Le schéma suivant résume la construction de la balance courante :
[ Cliquer sur le schéma pour l'agrandir ]
Si l'on se place au niveau mondial, jusqu'à présent les déséquilibres des balances courantes portaient essentiellement sur l'opposition entre le déficit extérieur des États-Unis et l’excédent extérieur de la Chine.
Balance courante de la Chine
[ Source : Perspective Monde, Université de Sherbrooke ]
Balance courante des États-Unis
[ Source : Perspective Monde, Université de Sherbrooke ]
Mais à l'avenir, on pourrait assister à un rééquilibrage avec d'une part une réduction de l'excédent chinois liée au changement de modèle de croissance en Chine (voir mon billet), et d'autre part une réduction du déficit américain avec la production croissante de gaz et de pétrole de schiste (voir ce billet).
Au sein de la zone euro dans son ensemble, les politiques d'austérité ont pour objectif de maintenir des importations faibles au regard des exportations (compétitivité quand tu nous tiens...). La balance courante deviendra par conséquent de plus en plus excédentaire, comme on le voit déjà sur le graphique ci-dessous :
[ Source : Natixis ]
La zone Euro a même enregistré en 2012 un excédent record de sa balance courante de 111 milliards d'euros, soit 1,2 point de PIB ! Dit autrement, la zone euro dans son ensemble dispose d'une épargne importante qui est prêtée à l'étranger, faisant de la zone euro le premier exportateur net de capitaux du monde :
[ Source : Natixis ]
Puisqu'au niveau mondial la somme des balances courantes doit être nulle (les déficits des uns sont nécessairement les excédents des autres...), l'évolution aux États-Unis, au sein de la zone euro et en Chine conduira à une dégradation des balances courantes dans d'autres régions du monde. Comme il est fort probable que les pays de l'OPEP arrivent à maintenir un fort excédent commercial, ce sont les balances courantes du Japon et des émergents qui en feront les frais, à moins que la politique économique de Shinzo Abe ne reporte l'ensemble de la dégradation sur les émergents seuls...