Quelques données technico-économiques ovines 2011-2012
Dans la sous-filière « viande », les prix sont globalement restés à des niveaux records en 2012, grâce aux faibles volumes importés. Pourtant, la hausse des coûts de production a continué à affecter l’évolution du cheptel français, qui accuse une nouvelle baisse fin 2012. La viande ovine française s’installe (définitivement ?) dans un marché de niche, un produit de quasi-luxe, qui ne séduit plus régulièrement que des consommateurs assez âgés et plutôt fortunés.
Le revenu des éleveurs, lui, est la plupart du temps orienté à nouveau à la baisse, après la brève embellie de 2010 consécutive au transfert de subventions en leur faveur, suite au « Bilan de santé » de la PAC. Faudra t-il planifier un plan de sauvetage de la dernière chance tous les trois ans ?
Résultats économiques 2012 pour les exploitations spécialisées ovins viande (en moyenne)
UTA : Unité de Travail Annuel, l'équivalent d'une personne déclarée occupée à plein-temps durant l'année sur l'exploitation.NB : Certains changements de références ne permettent (déjà) plus de comparaison avec 2010…
Le rétablissement du revenu lié au transfert des aides céréalières vers certaines productions d’élevage, décidé en 2010, fait désormais partie du passé. Les éleveurs ovins ont été rattrapés par la flambée du prix des matières premières. Si pour l’année 2011 la progression du prix des agneaux avait permis d’en limiter l’impact sur le revenu des éleveurs, il n’en a pas été de même en 2012. Le prix moyen des agneaux a certes été en hausse de 3 %. Mais l’inflation du prix des aliments ou de l’énergie, même moins soutenue qu’en 2011 perdure. En d’autres termes, la hausse du prix des agneaux ne couvre plus celle des charges.
On notera spécialement qu’en zone pastorale, le total des aides dépasse en moyenne de près de 20.000 € la valeur économique de la production ovine pour chaque exploitation ! Soit 57 % du produit brut de l’exploitation (contre 25 et 35 % pour les autres zones). Et un ratio aides /produit des ventes ovines qui atteint 158 %.
La productivité numérique, outre son rôle d’indicateur de performance technique, est un critère retenu pour l’éligibilité à l’Aide aux Ovins (AO, ex « prime à la brebis »). L’aide est ouverte aux éleveurs détenant et engageant au moins 50 brebis éligibles. Un animal éligible à l’aide aux ovins est une femelle de l’espèce ovine, correctement localisée et identifiée, qui au plus tard au 11 mai 2013, a mis bas au moins une fois ou est âgée d’un an au moins.
L’ensemble des brebis déclarées doit avoir une productivité minimale de 0,7 agneau né par brebis et par an. En pratique, pour des professionnels chevronnés, ce ratio de 0,7 agneau/brebis n’est pas très difficile à atteindre, étant donné que les individus mort-nés sont comptabilisés. Ce qui représente un substantielle différence par rapport au nombre d’agneaux effectivement commercialisés.
Certains départements, comme l’Ariège, ont obtenu pourtant l’abaissement de ce ratio à 0,6 agneau par brebis et par an. C’est officiellement pour des questions de spécificités locales, et en aucun cas pour cause de technicité moindre d'une partie des éleveurs. Le montant indicatif de l’aide de base est d’environ 21€, souvent majoré de 3€. Tout animal éligible qui décède après la date du 11 mai 2013 continuera à donner droit au versement de l’Aide aux Ovins, sans qu’il soit nécessaire de le remplacer.
Une enveloppe de 125 millions d’€ est prévue chaque année pour l’aide aux ovins.
La production de viande ovine en 2012
Après plusieurs décennies de recul, la production française de viande ovine s’était d’abord stabilisée en 2010, avant de légèrement remonter (+ 3 %) en 2011.
Un bémol apparaissait toutefois en filigrane : cette hausse était notamment due à une hausse des abattages de brebis. Ce qui avait donc pour conséquence d’amenuiser le potentiel reproducteur à venir.
Le regain de production de 2011 ne s’est donc pas poursuivi en 2012.
En 2012, le potentiel de production était d’emblée entamé par le moindre nombre de femelles présentes, d’autant que la sécheresse a handicapé la fertilité. La production française d’agneau a reculé de près de 7 % par rapport au niveau de 2011. Cela correspond à peu près au niveau de production de 2009. Les abattages de brebis de réforme ont mieux résisté. Les prix payés aux producteurs se sont par ailleurs maintenus à des niveaux record (souvent supérieurs à 6 €/kg). La Nouvelle-Zélande et l’Australie ont en effet continué à réorienter leurs exportations vers l’Asie, malgré des disponibilités en forte hausse. Et jusqu’en fin d’année, les exportations britanniques sont restées faibles, retardées par un climat particulièrement humide. Ces faibles importations ont soutenu les cours, mais cela n’a pas été suffisant face à la nouvelle flambée des aliments du bétail.
L’évolution de la consommation
La consommation de viande ovine est en repli de 3% sur 2012 du fait de la baisse des abattages et des importations de viande ovine (en baisse de 2 % par rapport à 2011). La consommation devrait donc se situer autour de 3,2 kg équivalent carcasse par an et par habitant (contre 5,5 kg au début des années « 90 »).
Fin 2012, le cheptel reproducteur français est à nouveau en baisse de 2% par rapport à 2011, ce qui laisse augurer d’une nouvelle baisse de la production en 2013.
Par ailleurs, les productions de viande ovine en forte hausse au Royaume-Uni, en Irlande et en Nouvelle-Zélande devraient peser sur les prix européens : sur les trois premiers mois de l'année 2013, on observe des prix qui ont souvent été inférieurs au seuil de 6 €/kg. Mais à titre de comparaison sur la même période, le kg d'agneau britannique a oscillé entre 4 et 5 €/kg.
Rappel 2011 (faute de données comparables disponibles à ce jour pour 2012…)
Calculée par bilan, la consommation française de viande ovine était de 208.000 tonnes équivalent carcasses (téc) en 2011, soit près de 3% de moins qu’en 2010. La consommation par habitant a ainsi reculé à 3,3 kg équivalent carcasse, contre près de 3,9 kg il y a cinq ans (et 5,5 kg il y a 20 ans…).
Selon le panel Kantar, le recul des achats d’agneau par les ménages constaté en 2011 serait à la fois lié au repli des quantités achetées par acte (-2,7%), à la baisse du nombre d’actes d’achat par acheteur
(-1%), mais surtout à la chute du taux de pénétration (-3,5%).
De 2007 à 2011, cet indicateur mesurant la part des consommateurs ayant acheté au moins une fois de l’agneau au cours de l’année est passé de 61 à 56%. À l’origine de ce phénomène, le prix de l’agneau au détail, qui a encore progressé de plus de 5% en 2011, et a incité les classes moyennes à se reporter vers les autres viandes.
En outre, les plus de 50 ans concentrent près des trois quarts des achats d’agneau. A eux seuls, les plus de 65 ans assurent 40% des achats. En 2011, alors que les plus de 65 ans se sont procurés presque autant d’agneau qu’en 2010, les moins de 50 ans ont réduit leurs acquisitions de près de 14% ! Le noyau dur des consommateurs d’agneau, bien que vieillissant, reste donc relativement intact. Mais c’est toute une partie de la société, la plus jeune, qui réduit progressivement ses achats.
En France, près des 2/3 des éleveurs ovins ont plus de 50 ans, et les foyers les plus modestes ne représentent que 13 % des volumes achetés.
Pour résumer sans trop caricaturer, on peut dire que l’agneau français est une viande de quasi-luxe, à destination de consommateurs âgés et plutôt aisés, et produite par des éleveurs âgés auxquels elle ne procure qu’un faible revenu.
Notons que le panel Kantar ne tient pas compte des volumes écoulés par la restauration hors domicile.
Un zoom sur les perspectives du pastoralisme pyrénéen
(selon ceux qui en assurent une partie de la promotion...)
Tout d'abord un rappel :
- Les crédits de l’État et des collectivités territoriales contractualisés dans le cadre de la Convention Inter-régionale de Massif des Pyrénées et de sa Convention d’application « Maintien de la filière agropastorale et valorisation de la ressource forestière »,
- les enveloppes du Fonds européen pour le développement régional (FEDER) consacrées au dispositif inter-régional de créations, aménagements, et extensions de sites pastoraux,
- ainsi que les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) mis en œuvre dans le cadre de la mesure spécifique « 323c »,
Les Perspectives de l'observatoire agropastoral pyrénéen
(Source) - Les partenaires de cette structure étant très largement d'obédience agricole, inutile de préciser que chaque mot susceptible de prendre une connotation négative est minutieusement choisi, évalué, pesé, sous-pesé et probablement re-pesé avant d'être retenu.
Quelles sont donc ces « perspectives » ?
La tendance générale est à la diminution du nombre d'exploitations, mais de manière moins rapide qu'au niveau national. Les crédits mentionnés précédemment, ainsi que d'autres (plan Ours), n'y sont certainement pas étrangers. On peut y voir le verre à moitié plein ou à moitié vide, c'est selon.
Le verre à moitié plein, bien mis en évidence par les rédacteurs, c'est de se féliciter, je cite, de : « la capacité de résistance des exploitations montagnardes, et à plus forte raison pastorales, aux évolutions conjoncturelles. Car diversifiée dans ses formes, l'agriculture de montagne a su développer des pratiques et s'adapter aux contextes variés de l'ensemble du Massif. »
Le verre à moitié vide, c'est de conclure que, si la baisse du nombre d'exploitations est incontestablement moins forte, cela tient surtout à deux causes : un surplus de subsides publics (voir plus haut) et une restructuration inachevée (ou inatteignable) des filières locales. C'est ce qu'admettent implicitement les rédacteurs, en reconnaissant d'abord que « les atouts [des exploitations pastorales] ne sauraient perdurer sans l'ajustement des politiques publiques aux spécificités de la montagne et de ses agricultures. »
Un atout qui dépend essentiellement de « l'ajustement des politiques publiques » est-il vraiment un atout-maître ?
Un bouc émissaire est un individu choisi par le groupe auquel il appartient, pour endosser, à titre individuel, une responsabilité ou une faute collective. Puis de lister ensuite les motifs d'inquiétude susceptibles d’annihiler les « atouts » précédemment salués avec enthousiasme (citation intégrale ci-dessous) :- " La tendance à l'agrandissement semblerait avoir atteint un certain seuil pour les exploitations des Pyrénées.
- La réorientation des élevages bovins laitiers vers les élevages allaitants s'essoufflerait (moindre disponibilité des droits à PMTVA [« prime à la vache allaitante »] sur l'ensemble du Massif).
- Le plan de relance ovine dans les Pyrénées, trop récent, cumulé à la revalorisation des aides couplées à la brebis ne suffirait pas à endiguer la diminution des effectifs ovins viande.
- L'attractivité des élevages en brebis laitières en termes de valorisation économique aurait saturé les marchés. "
Sombres prévisions, qui ressemblent moins à une perspective qu' à une anamorphose, du style de celle visible sur la toile « Les Ambassadeurs » de Hans Holbein (os creux) le Jeune.
(NDLB: Anamorphose : déformation optique destinée à rendre lisible/visible un objet, une "réalité" sous un certain angle. Par exemple les publicités dessinées ou projetées au sol sur les terrains de football ou les circuits de formule 1. L'image sera vue correctement uniquement de l'endroit où est située la caméra.)
Marc Laffont
Cette note est basée essentiellement sur un document publié par l’Institut de l’Élevage : "Résultats 2011 et estimations 2012 pour les exploitations ovins viande" et dans une moindre mesure, sur l'Agreste Conjoncture de février 2013.