Pour ma seconde visite à la galerie Linz, j’ai eu la chance de découvrir le monde poétique propre à Anne Lacouture. Cette artiste réunionnaise, développe un style particulier à l’effet immersif parce qu’il nous plonge au cœur de notre intériorité. Par un jeu d’encre, posée sur le papier, projetée, ou travaillée plus finement, elle habille ses dessins d’un environnement fait de tâches, de gouttes, un décor en nuances qui accueille des personnages en proie à un questionnement, dessinés au stylo bille.
Dans cette exposition intitulée Menteur, Menteur, il est bon de se référer à la très bonne présentation faite par la Galerie Linz. Guide des œuvres exposées, elle discerne quatre séries qui orientent notre appréciation.
Accueillis par les Géants, nous allons rencontrer sur des petits formats, des groupes d’individus crayonné au stylo, en mouvement, qui sur fond d’une tâche colorée sont en route vers un lieu précis, souvent en emportant une valise ou un sac. On devine leur liens parfois : des familles, des couples ; le lieu où ils se trouvent (certains portent des bonnets, et l’un d’entre eux possède des skis) ; et l’on constate leur interaction les uns avec les autres (notamment dans un des dessins où deux groupes se croisent, les uns face à nous, les autres de dos, tous affichent un regard étonné), avec le décor (certains investissent l’espace de la tâche d’encre en cherchant à s’y hisser ou en l’ayant escaladée).
Les personnages interagissent sur plusieurs dimensions : ils sont présents à l’intérieur du dessin, souvent sur plusieurs plans que distingue Anne Lacouture, à plusieurs niveaux devant la tâche, sur elle, ou en elle. Elle joue à étager ses personnages, en leur créant pour l’occasion des petites estrades pour les mettre en scène. Mais ils sont aussi présents dans la scène qu’ils sont en train de représenter et nous font passer à l’intérieur. Ils se projettent plutôt bien aussi à l’extérieur du dessin, en nous impliquant de leurs expressions et de leur regard, invitant le spectateur à participer à la scène. C’est presque notre interprétation qui est jouée sur le papier. On s’amuse à la vue de la petite fille qui pleurniche trainant derrière le cortège d’une foule compacte ou d’autres qui escaladent la tâche avec des piolets et des cordes.
Dans les dessins de la série Menteurs, on découvre des personnages dans un décor souvent bleuté, seuls au milieu du paysage, une tâche laissé à la place de leur tête. Leurs songes, leur démons, leurs pensées représentées par ce biais, les entrainant dans un tourment tourbillonnant. Toujours accompagnés de leur bagage matériel, à la portée métaphorique, les personnages se situent dans des étendues planes, dessinant un horizon qui se confond avec le ciel. Parfois parvenus en haut d’un promontoire, pile de pierre, falaise, ou amas indistinct, on les pense arrivés à un point symbolique de questionnement intérieur, leur esprit leur échappant. Dans les deux autres œuvres exposées, nous voyons le dessin intitulé L’autre où l’espace à la matière travaillée, texturée, engloutit presque le personnage central. Le dessin ouvre la contemplation du monde. Rapprochée dans le dossier de presse, de la perspective de « L’homme face à la mer » de Caspar David Friedrich, cette œuvre interpelle. Enfin, posée dans la galerie, une fleur faite d’un grand morceau de papier (comme un lais de papier peint) forme une fleur, au gré de ses pliures. Intitulée Anesidora elle fait référence l’émergence du Bien et du Mal et de leur prise de conscience par l’homme. Encore une fois convoqués, on y voit ce que cela nous inspire.Une très belle exposition, à voir jusqu’au 25 mai 2013
A voir :
Menteur – menteur
Anne Lacouture
Galerie Linz
40 rue Quincampoix
75004 Paris