Il m’arrive régulièrement dans ces humbles chroniques de citer les nombreux oiseaux qui aiment à fréquenter mon courtil. Sansonnets, bergeronnettes, mésanges ou rossignols, ageasses, corbeaux, buses, tourterelles ou même pigeons bisets. Au point qu’un ornithologue distingué à l’esprit particulièrement scientifique m’adressa récemment un aimable commentaire plein d’éloges à ce sujet. Votre vallée perdue au cœur des Monts, écrivait-il, est une véritable arche de Noé. Je le remerciai vivement mais modérai son enthousiasme en comparant mon havre à Babel tant les discours y sont divers et souvent confus. Grâce à Dieu, il n’y a pas que la gent ailée sur Terre, ajoutai-je en guise de conclusion en pensant au merle moqueur qui me réveille chaque matinaux aurores ! En effet, on lit fréquemment dans les journaux, et la télévision s’en fait parfois l’écho, des récits extraordinaires d’événements heureux, cocasses ou fâcheux se déroulant dans le monde des mammifères. Ils méritent tout autant notre considération. Ignorons cependant les chiens et les chats domestiques qui ont déjà leurs propres rubriques. Écartons les lions, panthères, éléphants et rhinocéros qui tiendraient une placepar trop volumineuse au milieu de ces lignes. Concentrons-nous sur l’homo sapiens. Un entrefilet remarquait récemment qu’une femme, veuve et âgée à la fois, assignait son coiffeur devant les tribunaux. Elle l’accusait d’avoir abusé de son état de faiblesse pour teinter en bleu les belles mèches grises dont elle s’enorgueillissait. Mes petits-enfants ne m’ont pas reconnue ! Un autre jour, c’est l’histoire d’un homme d’une quarantaine d’années qui sillonne le pays de part en part à la recherche de clients assez fortunés pour acheter ses cravates jaunes, bleues, vertes et rouges. Il reprochait à sa compagne de négliger le ménage de leur appartement trois pièces avec balcon et vue sur la place du marché et "d’oublier" la vaisselle sale dans l’évier pendant toute une semaine. Elle lit des romans d’amour, assurait-il. Michel Houellebecq, Marc Lévy et même Philippe Sollers ! Ailleurs, c’est l’aventure d’un garde-champêtre à deux ans de la retraite. Boiteux et ventripotent comme il se doit, il représentait sans aucun doute l’un des plus beaux et derniers spécimens de garde-champêtre en exercice tant ce difficile sacerdoce de gardien de l’ordre exige de doigté, de compréhension et d’autorité à la fois.Il en vint, un soir de vadrouille, à verbaliser un jeune garçon dont le "pétarou" escagassait ses oreilles et celles de son quartier. Tu me fais caguer, le banturle, répliqua le drôle en lui lançant pour ponctuer son compliment un superbe bras d’honneur ! On rapporte que le maire du village rencontra les plus vives difficultés à calmer les humeurs vengeresses de l’agent municipal. Tous ces criquets bâtards ne sont que des crapauds d’ânes bâtés, proférait-il en se dirigeant d’un pas rogneux vers le bistrot où il était abonné ! On voit par ces trois exemples choisis on ne peut plus arbitrairement dans une longue liste que chacun pourrait établir lui-même à partir du plus modeste quotidien local, que les oiseaux, fussent-ils affublés de noms riches et colorés sinon même luxuriants, ne sont pas les seuls à retenir toute notre attention. Il se passe aussi des "choses" au pays des mammifères et nous nous en voudrions de les ignorer. Il nous faudra d’ailleurs un jour prochain nous pencher avec sérieux et compétence sur le monde des poissons si cher à Yann Arthus-Bertrand !
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