Auteur: Stendhal
1ère édition : 1839
Ma note :
Le roman se divise en deux parties et nous conte les aventures d’un jeune noble superstitieux et naïf, Fabrice del Dongo, suivant un idéal napoléonien en miettes et cherchant à comprendre ce qu’est l’amour en multipliant les aventures. Jusque là, rien qui semble bien original, mais le narrateur nous plonge dans un tourbillon de péripéties sur fond d’intrigues politiques et de manipulations. Un peu comme La foire aux Vanités de Thackeray, La chartreuse de Parme semble être un roman sans véritable héros car, bien que Fabrice soit parfois désigné par le narrateur comme “notre héros” et que ce soit bien son histoire que l’on suit de bout en bout, parfois de très loin, le roman s’attarde tout de même sur d’autres personnages, tout aussi intéressants d’un point de vue psychologique : Gina del Dongo, tante de Fabrice, le comte Mosca, amoureux de cette dernière ou encore Clélia Conti, véritable Princesse de Clèves après l’heure dont le jeune homme tombera éperdument amoureux. Dans une galerie de personnages somme toute très bien fournie, Stendhal joue donc lui aussi aux marionnettes, et cela dans une atmosphère assez enjouée. Il n’hésite pas à s’amuser avec ses pantins de papier, crée même quelques personnages caricaturaux dignes d’un d’opéra-bouffe, les faisant apparaître et disparaître à son gré dans le gigantesque théâtre qu’est la cour de Parme.
Le romanesque et le merveilleux occupent une place importante dans ce roman qui s’apparente un peu à un conte philosophique : même ironie, même recul de la part du narrateur, même gratuité de certains évènements, même flou spatio-temporel - notamment les personnages qui ne cessent de changer d’âge, par inadvertance d’auteur ou par appréciation de la part des autres personnages. A travers l’histoire de l’emprisonnement, de l’amour du prisonnier avec la fille du geôlier, l’évasion pleine de risque, les combats à l’épée, on retrouve un peu un merveilleux oriental tel celui que l’on rencontre dans les contes des Mille et Une Nuits. Pourtant, les protagonistes ont une véritable épaisseur psychologique et sentimentale. Sans être vraisemblables, il sont crédibles et on s’attache à eux, à leurs petites aventures, bien malgré nous. C’est pourquoi la toute fin du roman semble un peu rapide : tout à fait tragique, elle s’expédie en deux pages tout au plus. Cela frustre un peu le lecteur, attaché à la vie de personnages qu’il suit depuis le début, mais cela participe à cette volonté du narrateur de garder ses distances par rapport à ses pantins et de continuer à les traiter comme de simples marionnettes qu’il range au placard, une fois le spectacle terminé.
L’émotion est pourtant bien présente : La chartreuse de Parme représente finalement un parfait équilibre entre tragique et comique, héroïsme et bassesse, sublime et grotesque. Dès qu’une scène se fait trop touchante, Stendhal introduit soudain un personnage de papier particulièrement ridicule, le tragique est soudain désamorcé, on rit de bon coeur … Et vice versa. Il s’agit, je le répète, d’une oeuvre très très riche, assez différente du Rouge et le Noir, surtout en ce qui concerne l’ambiance générale dans laquelle baigne le roman. Pays différent, époque différente : autre atmosphère. Dans le roman baigne une sorte d’enjouement, de légèreté assez inexpliqués, tandis l’histoire se précipite à un rythme haletant dans des sursauts et soubresauts divers.
Tout en incluant critique et satire et tout en illustrant certaines de ses théories sur le sentiment amoureux, Stendhal nous offre donc un roman d’une réelle fraîcheur qu’il fut très agréable de découvrir en ces quelques jours ensoleillés.