Un an après l’élection de François Hollande, Guillaume Tabard, rédacteur en chef du service politique au Figaro revient sur la situation de la Gauche et du Président Hollande.
Délits d’Opinion : Un an après son élection, le Président se distingue par son impopularité (2,7 points selon l’Indice Délits d’Opinion). Cela est-ce si exceptionnel ?
Guillaume Tabard : Tout le monde a évoqué l’effondrement extrêmement brutal et rapide de François Hollande en l’espace d’un an.
Pourtant, tous les Présidents de la Vème ont du faire face à une forme de désillusion au bout d’un an. C’est l’heure du premier bilan où le soufflé de l’espoir retombe.
De Gaulle a lui-même été confronté à la situation en janvier 1960 après son annonce de l’autodétermination pour l’Algérie. Dès lors, un an après son élection une partie de ceux qui l’avaient conduit au pouvoir parlent de trahison.
Giscard avait pour sa part fait passer toute une série de réformes sociétales lors des premiers mois : majorité à 18 ans, autorisation de l’IVG, facilitation du divorce, etc. Mais au bout d’un an, on voit poindre, au sein de la gauche mais aussi chez les gaullistes, la critique d’une « présidence gadget ». Car, au même moment, la situation économique se dégrade. Le chômage passe de 400 000 à 800 000 chômeurs en quelques mois. Aujourd’hui, ces chiffres feraient rêver, mais à l’époque, ce doublement du nombre de demandeurs d’emplois trouble l’opinion. Les Français avaient élu Giscard pour qu’il agisse ; ils jugent que les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Mitterrand a lui aussi subi une forte érosion au cours de la première année de septennat. En janvier 1982, quatre élections partielles ont lieu. Elles sont toutes perdues par la gauche. Ces défaites signent l’amorce du retournement de l’opinion.
De même, Chirac voit fondre ses soutiens en cette année 1995, quand il annonce que la priorité sera dorénavant à la réduction des déficits. L’idée de réduire la fracture sociale est enterrée moins d’un an après son élection.
Enfin, Sarkozy subit le même sort en 2008. Alors que chacune de ses mesures prises séparément –défiscalisation des heures supplémentaires, service minimum,- est approuvée par l’opinion, on observe parallèlement une dégradation forte de l’image personnelle du Président. Et la conférence de presse avec la fameuse tirade, « Carla c’est du sérieux », constitue à cet égard une vraie rupture dans l’image de Sarkozy.
Ainsi, après un an de pouvoir, tous les Présidents ont été confrontés à une forme de désillusion de la part de leur électorat. La nouveauté de 2013 réside dans l’ampleur de la chute.
Délits d’Opinion : Face à cette chute brutale, François Hollande peut-il remonter ?
Guillaume Tabard : Ce qui est nouveau pour Hollande, c’est que le cœur de cible de son électorat est fortement déçu. Quand on compare avec Sarkozy, certes ce dernier est devenu très vite impopulaire, mais il a néanmoins conservé jusqu’ au bout un socle solide à droite qui lui a permis d’obtenir un score honorable au premier tour de la présidentielle. Chez Hollande ce sont ses électeurs du premier tour qui vacillent déjà.
Il peut donc descendre plus bas. D’autant qu’en comparant les deux électorats, PS et UMP, on voit que le socle du parti socialiste est plus volatile. Le PS peut montrer très haut, comme après 1981 où il atteint 37%, mais aussi descendre très bas. En 2002, Jospin, premier ministre en place, fait moins de 17% au premier tour de l’élection présidentielle.
Délits d’Opinion : Mais, un Président de gauche peut-il être populaire tiraillé entre deux ailes aux volontés contradictoires ?
Guillaume Tabard : C’est l’éternelle tension à laquelle sont confrontés les gouvernements de gauche. Jospin a pu échapper à ce tiraillement car il a gouverné avec de la croissance. Il a donc pu engager les emplois jeunes, les 35 heures. Le contexte économique a mis en sourdine les divisions internes. Là, Hollande n’a aucun grain à moudre. Il doit réduire les déficits sans pouvoir accorder aucune contrepartie.
Délits d’Opinion : Après l’élection partielle dans l’Oise, la question se pose. Existe t-il une attraction de l électorat socialiste vers les candidats FN ?
Guillaume Tabard : Pour expliquer l’excellent score du FN au second tour face à l’UMP les experts du PS minimisent l’idée d’un vote massif des électeurs socialistes du premier tour vers le candidat FN au second tour, évoquant plutôt l’arrivée d’électeurs nouveaux.
Pourtant, cet afflux de nouveaux électeurs vient bien de quelque part. Dans les sondages sur le match de 2012 un an après, on constate que la droite, sous la bannière de Sarkozy progresse fortement, mais que le FN connaît également une forte croissance. Or, ces renforts proviennent bien de quelque part, alors même que Mélenchon ne progresse pas. Il paraît indéniable qu’une partie des électeurs de gauche et notamment parmi les CSP-, sont aujourd’hui attirés par le FN.