Au lieu d’annoncer des coupes budgétaires, il ménage la chèvre et le chou.
Par Marc Crapez.
François Hollande emploie la tournure jeune et familière « en même temps ». Elle lui tient lieu de conjonction de coordination, ou de synonyme de « simultanément ». Et il croit pouvoir marier les contraires. L’ex-premier secrétaire du PS est un technocrate qui croit aux tractations pour aboutir à des motions de compromis de type 4ème République.
Confronté à une question gênante, Hollande réagit en trois temps : la réfutation par l’absurde, ce qui est un procédé classique, puis la glose sur soi, à l’aide de formules mitterrandiennes (« moi je dis que », « j’ai dit que », « qu’est-ce que j’ai voulu dire ? »), enfin une tournure qui dégage sa responsabilité : « Nous devons faire en sorte que… ».
Hollande préfère les mots aux actes. Il est empêtré dans ses contradictions. Il a promis un traitement indolore. On ne sait donc toujours pas quelles seront les coupes budgétaires. Car ce sont elles, et elles seules, qui peuvent concrétiser la rigueur. Elles seules qui peuvent alléger le fardeau de la dette. Elles seules qui, à moyen terme, peuvent relancer la machine économique.
Où compte-t-il faire des économies ?
Sa conférence de presse semestrielle, à 16h00, un jeudi, heure où tout le monde travaille, a l’avantage d’être une opération séduction en direction des journalistes. Il a d’ailleurs promis « la protection des sources des journalistes ». La conférence de presse a aussi cet avantage que le journaliste, une fois sa question posée, ne peut pas relancer. Une jeune journaliste lui a donc demandé en vain : monsieur le Président, puisque vous aviez prévu 0,8% de croissance, « qu’est-ce que vous allez abandonner faute de sous, faute de croissance ? ».
Pas question de lui faire dire où il compte faire des économies. Il fait assaut de langue de bois pour ne froisser personne. Nommer les fonctionnaires serait sans doute déjà un début de stigmatisation. Il évoque donc avec des périphrases « ceux qui travaillent dans les administrations et je veux les saluer », ou encore : « je suis pour le service public du transport ferroviaire, je salue ses personnels »… Pas question non plus de désigner les émeutes du Trocadéro par leur nom. Il n’en parle brièvement qu’après avoir promis « une perspective pour tous y compris ceux qui sont dans les quartiers » et fustigé « toutes les intolérances, tous les racismes »…
À part ça, sa philosophie se résume à deux idées-force : le muscle & le mouvement. Le mouvement d’abord, « l’idée européenne exige le mouvement » car « si l’Europe n’avance pas elle tombe » (comme à bicyclette !). Donc, « il faut mettre du mouvement », « je suis pour le mouvement ». La musculation ensuite, il faut « sortir l’Europe de sa langueur ». Et la France aussi. Tout ira mieux « si nous sortons de cette torpeur, de cette langueur et donc de cette peur ». Il faut donc « muscler notre économie ».
Concrètement, on retiendra l’annonce d’une mesure : que le silence de l’administration ne vaille plus refus mais autorisation pour les particuliers dans certains domaines. Mais, outre que la chose existe déjà en droit administratif (qui ne dit mot consent), tout dépendra de l’extension de ces domaines, afin que la bureaucratie recule sans que l’État ne se laisse racketter par la judiciarisation.
Début 2012, je faisais déjà part de mon scepticisme sur le candidat à la présidentielle : A-t-il des convictions ? A-t-il un plan ? Quel est son plan ? Peut-il l’appliquer ? L’appliquerait-il s’il était élu ? Serait-il apte à gérer l’imprévisible ? La réponse est claire aujourd’hui. Comme l’âne de Buridan, il ne sait pas quelle voie choisir et se contente de tourner en rond.