Avant de répondre à cette question, revenons tout d'abord sur ce le contenu de l'offre Hello bank! Côté bancaire, outre un compte de dépôt, incluant une carte de paiement gratuite, elle proposera des conditions d'épargne présentées comme "atttractives". Dans le domaine de la relation client, l'approche est un peu plus originale puisque résolument axée sur les applications mobiles, même si une équipe de conseillers (la "Hello team") est également accessible, sur des créneaux horaires élargis, par téléphone, mail, tchat, Twitter, Facebook...
Forte de cette particularité, BNP Paribas proclame être la première banque mobile européenne. Et le processus d'ouverture de compte de la version belge confirme ce choix stratégique du "mobile d'abord" ("mobile first" pour les anglophones) : le client doit établir sa demande dans l'application mobile, qu'il aura préalablement installée sur son smartphone. Cependant, quelques limitations surgissent rapidement. Ainsi, il faudra renvoyer, par la poste, un contrat signé, avec des copies de pièces justificatives, pour finaliser l'opération.
Autre petit couac, un certain nombre de services ne sont pas actuellement disponibles dans les applications mobiles, dont notamment la gestion des virements permanents ou l'accès aux extraits de compte, pour lesquels le client devra donc contacter la "Hello team". Il est clair que ces options seront rapidement (?) ajoutées mais leur absence nuit sensiblement au message qu'essaie de véhiculer la nouvelle banque.
Mais laissons ces petits défauts de jeunesse, facilement oubliés dès qu'est prononcée l'incantation magique du "fonctionnement en mode startup" (justifiant les déploiements en version beta, incomplète), et prenons un peu de recul sur l'offre Hello bank! Intéressons-nous par exemple à ce qui la distingue de la "Net Agence", l'agence 100% en ligne de BNP Paribas. La principale différence et la seule notable est évidente : la nouvelle se veut simple et économique tandis que son aînée propose une palette complète de produits et services.
Les autres arguments avancées pour promouvoir Hello bank! sont plus discutables. Là où il est question d'une attention particulière à l'expérience utilisateur, notamment sur téléphone, je vois surtout une réflexion sur l'interface graphique, sans véritable interrogation sur les usages des services bancaires en situation de mobilité et donc sans avancée significative de ce point de vue (le cas de l'ouverture de compte en est un triste révélateur). D'autant que la nouvelle version de l'application pour iPhone de BNP Paribas (France) vient elle-même de subir un lifting qui la rend très séduisante.
L'argument "mobile d'abord" s'avère donc ici un peu dénaturé et sensiblement vidé de sa substance : certes les services sont mis à disposition en priorité sur le téléphone, avec une ergonomie adaptée, mais leur nature profonde n'a pas été abordée par l'angle de la mobilité. En particulier, les fonctions offertes restent assez traditionnelles.
Quant à mon "rêve" d'une "vraie" nouvelle banque, bâtie sur des fondations (informatiques) entièrement neuves, il faudra l'oublier pour cette fois. De toute évidence, Hello bank! est en effet construite sur les socles existants et s'il est question de startup dans son modèle, ce n'est que pour évoquer l'équipe compacte en charge de la relation clientèle. Ce n'est pas un hasard si la banque a été présentée à la presse par les dirigeants en place de BNP Paribas, sans responsable dédié...
Conclusion, Hello bank! peut-elle prétendre à être la pionnière d'une nouvelle génération ? La réponse est clairement "non" : BNP Paribas a simplement concocté une banque directe classique, positionnée sur le terrain du "low cost", comme ses concurrentes. Dans ce contexte et avec le retard prix par rapport au reste du marché, l'objectif d'atteindre 1,4 millions de clients en Europe d'ici à 5 ans (dont 500 000 en France) semble finalement démesuré !
Ma conviction est que la vision stratégique de la banque digitale par les établissements historiques est basée sur des prémices erronées. La logique retenue aujourd'hui est de proposer des produits et services à petit prix afin d'attirer les clients peu rentables, dans une logique de volumes et de réduction des coûts (par adoption des canaux en libre service). Or, les consommateurs les plus susceptibles de choisir une offre 100% en ligne ou, encore plus, mobile sont au contraire les clients aisés qui veulent rester maîtres de leur temps.
Nous avons donc, d'un côté, une cible de clientèle relativement peu réceptive à la proposition "technologique" qui lui est faite (même si l'attractivité financière peut en séduire une partie) et, de l'autre, un segment demandeur mais très exigeant et qui ne se retrouve pas dans l'offre disponible. Voilà certainement une des raisons pour lesquelles la banque digitale n'a conquis que quelques pourcents de parts de marché jusqu'à maintenant.
Et puisque BNP Paribas vient de passer la main, qui lancera donc la vraie révolution de la banque 2.0 ? Mais chut ! certaines rumeurs laissent entendre que la version française de Hello bank! risque encore de nous surprendre, le 17 juin prochain...