Le visage est aussi impassible que la gestuelle fait s'animer ces géants de terre cuite: la Pinacothèque de Paris présente jusqu'au 14 septembre l'exposition "Les soldats de l'éternité" autour de l'une des plus fabuleuses découvertes archéologiques du XXe siècle, les guerriers de Xian.
L'exposition parisienne, réalisée avec l'aide du musée d'Art et d'Histoire de la province du Shaanxi, présente "un ensemble assez unique de guerriers et d'objets qui montrait comment on vivait à l'époque Qin", explique le directeur de la Pinacothèque à l'AFP Marc Restellini.
De fait, selon Alain Thote, l'un des deux commissaires de l'exposition, "si les guerriers ont souvent été montrés, c'était au milieu d'autres trésors archéologiques qui n'avaient rien à voir avec eux".
Une vingtaine de guerriers sur les quelque 2.000 exhumés (et environ 7.000 estimés) de la tombe du Premier empereur sont exposés et si le nombre manque à Paris, l'intensité est intacte quand arrivent les "géants".
Les statues de terre cuite vont jusqu'à 1,96m et représentent fantassin, officier, cavalier (avec son cheval), arbalétrier debout ou archetier agenouillé, travaillés avec force détail dans les traits ou les armures notamment.
Mais pour arriver à la rotonde où a été réuni le plus grand nombre de guerriers, le visiteur doit auparavant faire connaissance avec l'environnement Qin.
A la Pinacothèque, la tombe de Qin Shi Huangdi (né en 259 et mort en 210 avant notre ère) et son contenu sont mis en perspective et "présentés les aspects matériels de la principauté et du royaume de Qin qui précèdent la construction de la tombe de l'empereur". Autrement dit, du VIIIe siècle jusqu'à la dynastie Qin (221-210 avant J.C).
La spécificité Qin est en effet par exemple que les défunts sont enterrés avec quelques objets qui évoquent leur environnement. Parmi les objets présentés figurent des modèles réduits de grenier à grain, un petit félin couché en bronze doré ou encore une brique creuse décorée d'une scène de chasse.
"Jusqu'au VIIe et VIe siècles avant notre ère, on conçoit le défunt comme un intermédiaire entre les vivants et le dieu qui gouverne le ciel. Il intervient dans la vie de ses descendants", explique Alain Thote.
"Progressivement au cours du Ve siècle, l'idée que l'homme possède deux âmes et que l'une des deux monte au ciel après la mort tandis que l'autre reste avec le cadavre, se développe dans le monde chinois. On se met à craindre les morts et donc, on veut donner à l'âme qui reste dans la tombe tout ce dont elle aurait besoin dans l'au-delà pour se concilier ses faveurs, et éviter que le défunt ne vienne tourmenter les vivants", ajoute le commissaire de l'exposition.
"Cette conception de la tombe comme un microcosme se retrouve au plus haut dans l'armée des guerriers enterrés avec l'empereur Qin Shi Huangdi", ajoute-t-il.
Le Premier empereur Qin (prononcer Tsin, qui passe pour avoir donné son nom à la Chine) est resté dans l'histoire autant comme le grand unificateur de la Chine en 221 avant J.-C. que comme un despote qui a fait brûler les écrits des lettrés confucéens.
(Tlj de 10h30 à 18h00 sauf 1er mai et 14 juillet de 14h à 18h, entrée 10 euros. Catalogue 256 pages, éd Pinacothèque de Paris, 55 euros)
Dominique AGEORGES
AFP