Festival de Cannes 2013 – Sélection Officielle – Film d’ouverture – Hors Compétition
Titre original : The Great Gatsby
Note:
Origines : Australie/États-Unis
Réalisateur : Baz Luhrmann
Distribution : Tobey Maguire, Leonardo DiCaprio, Carey Mulligan, Joel Edgerton, Isla Fisher, Elizabeth Debicki, Jason Clarke, Adelaide Clemens, Callan McAuliffe, Amitabh Bachchan…
Genre : Drame/Romance/Adaptation
Date de sortie : 15 mai 2013
Le Pitch :
Printemps 1922, New York. L’évocation seule du nom de Gatsby résonne dans les lieux autorisés de la Grosse Pomme, comme une succession de promesses de luxe, de volupté et d’extravagance. Sujet de bien des fantasmes, Gatsby accueille régulièrement dans son impressionnante demeure, toute la ville, qui vient y festoyer sans retenue, et conserve une aura de mystère qu’il aime entretenir.
Lorsque l’apprenti écrivain, Nick Carraway quitte la région du Middle-West pour s’installer à New York, il emménage juste à côté du château de Gatsby et ne tarde donc pas à faire sa connaissance. Pénétrant peu à peu le brouillard qui entoure cet homme richissime et manipulateur, Nick va sympathiser avec lui, jusqu’à entrevoir ses véritables motivations et sa nature profonde…
La Critique :
Lorsque Baz Luhrmann annonce, il y a quelques années, qu’il s’attelle à l’adaptation du monument de la littérature américaine, Gatsby Le Magnifique, de F. Scott Fitzgerald, la crainte côtoie une certaine excitation. Une crainte relative mais bien réelle, car cette histoire d’un mystérieux milliardaire versé dans l’organisation de fiestas géantes, le tout au cœur des folles années 20, semblait courir après Luhrmann, et ainsi l’inviter à se lâcher véritablement. L’espoir, car effectivement, Gatsy et Baz Luhrmann semblaient être faits pour se rencontrer. Un espoir renforcé quand s’associent au projet Leonardo DiCaprio, connu pour son bon goût et sa clairvoyance, et la sublime et ô combien douée Carey Mulligan.
C’est donc après une gestation douloureuse, émaillée d’incidents qui laissaient à penser que le résultat final entraînerait une certaine déception, que Gatsby déboule sur le tapis rouge cannois, en ouverture du fameux festival. Gatsby Le Magnifique sur la Croisette. Une phrase qui sonne comme une évidence tant le faste (sans le furious) du festival était prédestiné à offrir au héros de Fitzgerald un écrin à la hauteur de sa réputation et de son image clinquante.
À l’arrivée, il apparaît évident que Luhrmann, tout en respectant selon ses propres dires la version mythique avec Robert Redford de 1974, a tenu à emmener Gatsby dans son univers pop et anachronique. Et qui a vu les précédentes œuvres du cinéaste sait à quoi il faut s’attendre ici. Gatsby aime les fêtes, la danse, et s’avère plus qu’à son tour excentrique. Ça tombe bien, car Luhrmann aussi. Il n’est donc pas surprenant que le long-métrage s’avère le plus réussi -du moins visuellement parlant- quand il s’intéresse tout particulièrement à ces déchaînements de luxe festifs, filmés à grand renfort d’une 3D éblouissante. Et il est peut-être là le vrai tour de force du film : arriver à justifier la 3D en offrant une immersion totale dans un monde de paillettes et de beuveries plus ou moins distinguées.
Baz Luhrman, après le chancelant Australia, revient au centre de son propre univers. Un univers fait de chorégraphies, de couleurs tape-à-l’œil et de musiques tonitruantes. Comme dans Moulin Rouge, il construit un pont entre le côté classique et vintage de son récit et la modernité la plus explosive propre à ses choix de mise en scène et aux morceaux qui ponctuent sa bande-originale. On assiste alors aux fêtes de Gatsby, sur fond de Jay-Z, de Beyoncé ou de Lana Del Rey, tandis que l’intrigue suit consciencieusement celle du bouquin.
C’est d’ailleurs là où ça se gate. Le Gatsby de Luhrmann est fidèle à son modèle littéraire. Sur le fond tout du moins, car Luhrmann se focalise sur la forme. Lui, ce qu’il aime, c’est quand ça pète, quand le ciel est rempli d’étoiles filantes et de feux d’artifices ,et quand tout le monde s’ébroue sensuellement. Son histoire, il la traite un peu par dessus la jambe. En collant de près à cette romance contrariée aux accents dramatiques, le cinéaste souligne ironiquement son incapacité flagrante à donner corps aux émotions centrales du récit. Et puisque le film culmine à plus de 2h20, inutile de dire que fatalement, on s’ennuie. Souvent.
Bien heureusement, les comédiens sont là pour incarner avec beaucoup plus de substance des personnages plus complexes que le film ne le laisse entrevoir. À commencer par Tobey Maguire, enfin de retour au premier plan, formidable de bout en bout. Face à DiCaprio, lui aussi parfait de retenu et de classe, Maguire incarne à lui seul le point d’ancrage extérieur à toute cette folie inhérente à l’argent de Gatsby et à ses conséquences sur la vie de celles et de ceux qui gravitent autour. Carey Mulligan quant à elle, est merveilleuse. Parfaite victime de l’ambition démesurée et immature d’un homme qui veut modeler le monde à son image.
Hissé par une distribution pleine de bon sens (Joel Edgerton et Isla Fisher, pour ne citer qu’eux, sont également excellents), Gatsby Le Magnifique semble tiraillé en permanence.
Un peu trop dépouillé des ambitions de son auteur, par un cinéaste plus intéressé par les possibilités visuelles que pouvait offrir une telle fresque tragique, Gatsby Le Magnifique a le cul entre deux chaises. Ok, Baz Luhrmann maîtrise son cinéma, mais rien n’y fait : l’ensemble, aussi tonique et beau soit-il, manque de substance. Artificiel, il ne rend pas vraiment justice au livre dont il s’inspire et ça, c’est vraiment dommage. Pas besoin de l’avoir lu pour s’en rendre compte, car demeurent ici ou là les restes des réflexions du bouquin sur l’ambition, l’amour ou l’argent. En cela, Luhrmann échoue à ancrer son métrage dans le contexte économique actuel, alors que la substance profonde s’y prêtait véritablement. Dommage aussi que les relations entre les personnages soient aussi superficielles. L’amour ou l’amitié ne sont que des mots déclamés par les acteurs et si les images elles, sont en 3D, les sentiments eux, sont cruellement plats.
@ Gilles Rolland