Internats d’excellence : pourquoi continuer ce qui marche bien ?

Publié le 16 mai 2013 par Sylvainrakotoarison

Une nouvelle fois, la Hollandie applique de manière implacable la logique shadok par pure idéologie égalitariste et pour effacer toute trace de sarkozysme, même lorsque cela a été très utile pour le pays.

On n’a pas fini de cauchemarder avec le réenchantement du rêve français à la sauce de François Hollande. Après les projets pour condamner le statut d’auto-entrepreneur (en lui donnant une durée seulement temporaire), un statut qui permet à de nombreux Français de survivre malgré la dureté de la crise économique, voici que le gouvernement veut s’attaquer à une autre mesure très positive du quinquennat précédent, les internats d’excellence, alors que viennent de se dérouler, le 15 mai 2013, les Assises de la réussite éducative.

Les internats d’excellence, de quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’accueillir des élèves volontaires d’un niveau prometteur, principalement de la sixième à la terminale, issus d’un environnement difficile et compliqué, peu propice aux études, et de les soutenir dans un cadre particulier, privilégié, pour qu’ils réussissent leur scolarité. Les internats d’excellence concourent ainsi à renforcer l’égalité des chances en offrant des conditions de réussite favorables. Ils apportent aux jeunes une grande ouverture au monde grâce à leur partenariat de haut niveau et à leur parrainage (entreprises, établissements étrangers etc.).

Les valeurs qui gouvernent ces internats sont donc le nivellement par le haut, le travail, l’exigence, l’effort, la rigueur, le mérite. Des valeurs sur lesquelles tous les citoyens peuvent se retrouver, d’autant plus que le mérite reste le seul échappatoire social, une condition indispensable de l’ascenseur social qui, selon de nombreuses études qui le constatent, est en panne depuis des décennies.


Concrètement, le projet d’internats d’excellence a été lancé par le Président Nicolas Sarkozy le 8 février 2008 à l’Élysée avec le Plan Espoir Banlieues présenté par la sous-ministre Fadela Amara.

Les mots présidentiels étaient alors très clairs : « L’autre grande priorité, c’est de faire en sorte que la première chance puisse être réellement saisie. Je veux que dès le plus jeune âge, les enfants des milieux défavorisés qui montrent de bonnes aptitudes scolaires, qui ne peuvent pas étudier chez eux dans de bonnes conditions et qui risquent d’être happés très vite par un environnement qui les détourne de l’étude, puissent se voir proposer un hébergement dans des internats, pas les austères internats de jadis mais des internats d’excellence, modernes, où il ferait bon vivre et étudier, où les enfants seraient totalement pris en charge pendant la semaine et où ils bénéficieraient d’un accompagnement scolaire et éducatif. Ce serait un instrument de mixité et de promotion sociales. Ce serait une bonne façon d’aider les familles et d’offrir aux enfants une vie plus équilibrée, d’échapper à l’attraction de la rue et des bandes. Il faut là encore faire des internats d’excellence non un outil à la marge mais l’instrument d’un véritable projet de société où la promotion sociale retrouve toute sa place. Je veux que l’État s’y engage massivement à côté des communes, des départements et des régions. ».

L’idée était donc bien d’en faire un « véritable projet de société ».

Dans sa conférence de presse du 14 décembre 2009 de présentation du "grand emprunt" pour les investissements d’avenir, le Président Nicolas Sarkozy avait réservé 500 millions d’euros pour l’égalité des chances dans la formation en y incluant la construction de dizaines de nouveaux internats d’excellence. (Notons au passage que du séminaire gouvernemental du 6 mai 2013 est ressortie l’unique mesure, celle de faire des investissements d’avenir pour les vingt prochaines années, une méthode somme toute équivalente à la décision de 2009 ; reste à savoir comment tout cela sera financé, surtout si l’on souhaite "vendre les bijoux de famille").

Une idée innovante mais pas si nouvelle que cela

Des expériences concrètes et concluantes avaient déjà eu lieu dans un cadre pédagogique et éducatif privilégié pour des enfants "en difficulté" dans les structures scolaires classiques, et cela avait été un succès. Je pense en particulier à des écoles de la SNCF, financées par sa direction des affaires sociales et réservées aux enfants de cheminot en situation très délicate (malheureusement, la politique de réduction de coûts de cette grande entreprise publique a engendré la fermeture de plusieurs établissements).

L’idée n’est d’ailleurs pas typiquement "sarkozyenne" puisqu’elle est finalement peu éloignée de la proposition un peu provocante (et controversée) de la candidate Ségolène Royal formulée en 2007 qui voulait remettre des enfants en échec social et scolaire dans de bonne voie éducative par le biais de l’armée pour mieux connaître les règles du vivre ensemble.


En pratique, le premier internat d’excellence, prenant en charge plus de quatre cents enfants de milieux défavorisés, a été inauguré à la rentrée 2009 dans une ancienne caserne, à Sourdun, près de Provins, en Seine-et-Marne, dans l’Académie de Créteil dont le recteur de l’époque, Jean-Michel Blanquer (49 ans), agrégé et docteur en droit, était à l’origine de l’établissement. Devenu entre temps directeur général de l’enseignement scolaire, Jean-Michel Blanquer va être nommé ce jeudi 16 mai 2013 directeur général de l’ESSEC (l’une des meilleures écoles de commerce) après avoir brigué la succession de Richard Descoing à la direction de Science Po. C’était ce même recteur très innovateur qui avait appuyé le projet "révolutionnaire" (et controversé) de constituer une cagnotte en faveur de classes qui respecteraient un contrat avec la direction de leur établissement, notamment pour lutter contre l’absentéisme (lire cet article du 7 octobre 2009).

Premier bilan favorable

Le 6 juillet 2012, les premières classes passaient les épreuves du baccalauréat et le proviseur de l’internat d’excellence de Sourdun, Bernard Lociciro, avait la joie d’annoncer que ses élèves ont obtenu un taux de réussite de 80% (avant l’oral de rattrapage) et 38% des élèves ont même obtenu une mention : « Le travail des professeurs a porté ses fruits. ». Mieux, 20% des élèves ont été acceptés en classes préparatoires alors que la moyenne pour l’académie était de 15%.

Le proviseur a cité notamment un cas largement concluant : « Nous avons par exemple un élève qui avait une moyenne de six sur vingt en sixième et qui aujourd’hui, a obtenu son baccalauréat avec une mention ; il y a un énorme fossé franchi. ». L’élève avait de quoi être heureux puisqu’il a été accepté en droit à Panthéon-Assas dans un cursus bilingue français et espagnol : « Depuis trois ans, on a eu des classes aux effectifs réduits, avec des professeurs très disponibles pour nous. ».

En tout, près de douze mille élèves bénéficient actuellement de l’accueil de quarante-cinq internats d’excellence répartis sur toute la France ainsi que dans d’autres internats sous forme "labellisée". Le projet envisageait vingt mille élèves. Au-delà de l’établissement emblématique de Sourdun, les résultats encourageants sont nombreux.

À Marly-le-Roi, par exemple, dans les Yvelines, dès la première année, les élèves ont atteint au brevet des collèges le niveau des élèves du meilleur établissement du centre-ville et l’ont même rejoint pour le lycée et s’y sont bien adaptés et fait accepter. Ils avaient un niveau 20% supérieur à celui de leur établissement d’origine.

Patrick Rayou, chercheur à Paris-VIII, expliquait le 4 janvier 2012 : « Beaucoup de ces jeunes qui vivent habituellement dans des endroits peu favorables à l’étude se trouvent projetés dans un univers auquel ils n’auraient jamais osé rêver. (…) [Ils sont maintenant] à l’abri des écrans télé (…) [et] libérés de la pression de se faire traiter de bouffon parce qu’ils sont premiers de classe. ».

Il y a aussi un effet d’auto-émulation qui est très important à prendre en compte, qui est l’essence même de la motivation : « Quand on vous dit que vous êtes bon, vous y croyez et vous travaillez davantage. ».

Luc Chatel (UMP), Ministre de l’Éducation nationale à l’époque, chargé de superviser l’opération, se réjouissait le 4 janvier 2012 dans le journal "Le Figaro" : « Dix mille élèves tirés vers le haut, c’est déjà considérable. ».

Pourquoi disait-il cela ? Parce qu’on parlait déjà du coût de ces établissements d’excellence, aux effectifs réduits et à l’encadrement renforcé : il est évalué de 3 500 à 12 000 euros par élève. Ce n’est donc pas généralisable, d’autant plus que ce n’est pas nécessaire à tous les élèves, mais cela a donné une chance à plusieurs milliers d’enfants de milieux défavorisés, souvent en dessous du seuil de pauvreté. Ces internats d’excellence sont donc loin d’être inutiles.

Plusieurs rapports font le point sur les internats d’excellence

Le mise en route des internats d’excellence ont fait l’objet de plusieurs études et rapports, soit d’évaluation, soit de recherche pédagogique, pour comprendre l’intérêt du dispositif. Avec une intensité contrastée, ces rapports pointent tous l’apport très positif sur les élèves ainsi que sur les enseignants (plus impliqués et plus motivés) et même sur les parents (plus attentionnées à la réussite de leurs enfants et plus ambitieux pour eux).

Il y a eu principalement trois rapports sur ce sujet (qu’on peut télécharger dans leur intégralité ici) : un rapport (n°2011-057) publié en juin 2011 par les deux inspections générales de l’éducation nationale, sous la direction de Jean-Paul Delahaye et Alain Dulot ; un rapport de recherche publié en octobre 2012 par le Centre Alain-Savary (à Lyon), sous la direction de Patrick Rayou et Dominique Glasman ; enfin, un rapport d’évaluation uniquement de l’établissement de Sourdun publié le 11 avril 2013 à destination du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, sous la direction de Luc Behaghel, Axelle Charpentier, Clément de Chaisemartin et Marc Gurgand.

Rapport des inspections générales (juin 2011)

Le premier rapport des inspections générales, plus administratif, insiste surtout sur l’aspect financier de l’initiative en évoquant sans précaution une supposée réticence des élus locaux (qui n’est pas prouvée) : « Pour garder le même rythme de financement dans cette phase d’extension très volontariste, il paraît indispensable que le relais soit assuré par les partenaires habituels du système éducatif que sont les collectivités territoriales. À cet égard, rien n’est joué, car la légitimité même de l’internat d’excellence, on l’a vu, est loin de faire consensus parmi ces partenaires. ».

Cependant, il conclut de façon optimiste en montrant que la mesure a permis d’aider un certain nombre de jeunes, même si ce ne sont pas tous les jeunes en difficulté : « Ce que démontrent les expériences en place, c’est qu’en engageant des moyens importants et dérogatoires, utilisés par des personnels sélectionnés, motivés et compétents, une meilleure prise en charge d’un petit nombre d’élèves, issus de milieux modestes, est possible. On peut avoir l’espoir raisonnable que cette prise en charge aboutisse à des parcours scolaires réussis, mais cette démonstration, en tout état de cause, ne résout pas l’ensemble de la question. Cette forme de méritocratie expérimentale est à replacer dans un continuum d’actions, seul à même de répondre pleinement au défi de l’équité devant l’accès au savoir. ».

Rapport du Centre Alain-Savary (octobre 2012)

Le deuxième rapport est nettement plus positif en parle avant tout de pédagogie et de réussite éducative : « Un premier bilan (…) apparaît comme largement positif. En effet, pour la majorité de ces adolescents et adolescentes, les résultats scolaires ont eu plutôt tendance à s’améliorer, leur implication dans le travail s’est intensifiée, leur confiance en eux semble s’être affermie, et l’on peut même parler pour eux d’un certain bien-être à l’école. ».

Par ailleurs, il ne trouve pas scandaleux les coûts financiers qui en résultent parce que c’est une réussite et il les compare à d’autres financements : « Certes, il coûte cher à la collectivité, mais somme toute, un [élève dans un internat d’excellence] ne lui revient pas plus cher qu’un élève de CPGE [classe préparatoire aux grandes écoles], pourtant en moyenne nettement plus favorisé socialement. ».

Rapport d’évaluation de Sourdun (11 avril 2013)

Ce troisième rapport, lui aussi, prend note avec enthousiasme du succès de l’initiative : « Le bilan est positif. Au prix certes de moyens importants, l'internat propose aux élèves un véritable cadre de travail qui leur a permis, passé un temps d'adaptation, d'atteindre un niveau en mathématiques beaucoup plus élevé que des élèves semblables mais non scolarisés à Sourdun. ».


Il souligne même la transformation psychologique des acteurs : « Les élèves ont une motivation renforcée pour les études et une plus grande ambition scolaire, également exprimée par leurs parents. Il semble donc que les conditions sont réunies pour que ces élèves connaissent une carrière scolaire et une insertion professionnelle plus réussies. ».

Dans sa conclusion, le rapport insiste donc sur le fait qu’il n’y a pas de fatalité à l’échec scolaire dans les milieux défavorisés : « Lorsque l'on observe la stagnation du niveau cognitif des plus faibles dans le système français, le taux de décrochage inchangé depuis plus de dix ans, ou l'incapacité de la politique d'éducation prioritaire à produire des effets visibles, on peut avoir le sentiment que les politiques scolaires sont impuissantes. L'expérience des internats d'excellence démontre au contraire qu'une mobilisation réelle sur un projet ciblé et ambitieux peut produire des effets mesurables. La force de l'internat est d'agréger de nombreuses composantes : moyens renforcés, recrutement sur profil des enseignants, sélection des élèves qui s'affranchit de la carte scolaire, engagement des uns et des autres dans un projet pédagogique et, naturellement, régime d'internat, avec le contrôle qu'il permet d'exercer sur le rythme des élèves. ».

Il poursuit ainsi : « Peut-être est-il préférable de concentrer les ressources là où elles sont utiles, plutôt que de les diluer comme l'a longtemps fait la politique d'éducation prioritaire. Mais les internats d'excellence laissent entièrement ouverte une question : que faire pour les autres ? ».

C’est cette dernière citation qui fait tout le débat : faut-il concentrer les moyens budgétaires sur une population potentiellement capable de réussir ou tout faut-il tout diluer avec, au bout, une absence globale de succès ?

Ce que le gouvernement actuel vient de décider

Le Ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon a signé le 10 avril 2013 la circulaire n°2013-060 d’orientation et de préparation de la rentrée scolaire 2013 (à lire ici).

Dans cette circulaire, le ministre a remis en cause le principe des internats d’excellence.

Il a expliqué notamment : « Depuis 2008, des dérogations peuvent être demandées à la règle de l'affectation au collège ou au lycée correspondant à la zone de desserte, dans la limite des places disponibles, après avis d'une commission et sur décision du DASEN, lesquels se prononcent sur le fondement de sept critères énumérés dans la circulaire n° 2008-42 du 4 avril 2008. Afin d'introduire dès à présent plus d'équité dans l'affectation des élèves, les directeurs académiques des services de l'éducation nationale ne traiteront plus prioritairement les demandes de dérogation formulées sur la base du motif "parcours scolaire particulier", qui servent trop souvent à éviter l'établissement de secteur. Les demandes à examiner en priorité restent, d'une part, celles des élèves en situation de handicap et nécessitant une prise en charge médicale importante, d'autre part, celles émanant de boursiers au mérite ou de boursiers sociaux. Les demandes liées à des rapprochements de fratrie ou de proximité de l'établissement seront désormais examinées elles aussi avant celles relatives à des "parcours scolaires particuliers". Cette modification de l'ordre des critères de dérogation ne doit toutefois pas s'opérer au détriment de la continuité des parcours pédagogiques linguistiques entre l'école et le collège. Ces dérogations font d'ailleurs actuellement l'objet d'une réflexion globale, afin de garantir la mixité sociale des établissements, en particulier ceux les plus exposés aux phénomènes d'évitement. De la même manière, pour favoriser la réussite de chacun, tous les internats, dans leur diversité, doivent proposer l'excellence scolaire et éducative aux élèves accueillis. Ils sont accessibles prioritairement aux élèves relevant de l'éducation prioritaire et de zones urbaines sensibles (ZUS). Les établissements qui ont un internat doivent inclure dans leur projet d'établissement un projet pédagogique et éducatif pour les élèves internes. » (J’ai souligné les deux phrases importantes).

En somme, c’est bien l’idéologie qui vient de revenir au galop pour étouffer financièrement ces internats d’excellence, au nom de l’égalité (ici appelée "équité") par un nivellement par le bas : en voulant "favoriser la réussite de chacun", ce qui est malheureusement une ambition éducative démesurée, on sacrifie justement ceux qui, moins nombreux, par leur seul mérite, pourraient réussir.

Une faute lourde

Aujourd’hui, le gouvernement songe donc sérieusement à fermer les internats d’excellence, parce que considérés comme un gouffre financier au regard du principe d’équité. Ce serait une faute lourde, comme il en a déjà commises depuis un an (suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, remise en cause du statut d’auto-entrepreneur, augmentation de la TVA pour l’aide à domicile et le bâtiment etc.).

Pour plusieurs raisons.

D’une part, les internats d’excellence ne sont pas entièrement financés par l’État. Ils sont également cofinancés par des entreprises privées. C’est le cas pour Sourdun ou Montpellier dont une part est prise en charge par le groupe Total. Des collectivités locales cofinancent aussi souvent certains établissements basés sur leur territoire.

D’autre part, s’il y a une raison irrecevable pour fermer les internats d’excellence, c’est bien celle du coût. Car ce gouvernement n’a pas hésité une seule seconde à engager une augmentation massive du nombre de fonctionnaires en en recrutant 60 000 sur cinq ans ! L’augmentation des dépenses publiques (malgré les déclarations revendiquant une diminution) est telle, avec l’augmentation de la fiscalité, que cela a abouti à une baisse historique du pouvoir d’achat de 0,9% en 2012, qui s’est effondré au second trimestre de 2012, et qui est due essentiellement à ces dépenses massives dont les résultats restent très aléatoires et qui sont financées par une hausse massive de la fiscalité.


Enfin, l’expérience sur quatre années scolaires montre que l’idée est bonne, elle est même excellente, que cela a permis à des milliers de jeunes de retrouver la voie de la réussite. Et cet investissement financier est finalement très faible par rapport à tous les avantages que la société en tirera sur les quarante prochaines années, tant dans le domaine économique que dans celui de la sécurité.

Vaut-il mieux saupoudrer ou focaliser l’effort budgétaire ?

C’est peut-être finalement le vrai enjeu idéologique entre la gauche et le centre droit, qui pourrait se résumer à un clivage entre un égalitarisme inefficace et une différenciation efficace basée sur l’égalité des chances.

Avec cette remise en cause des internats d’excellence par le gouvernement, les auteurs du troisième rapport, ainsi que d’autres collègues chercheurs qui ont évalué parallèlement l’internat d’excellence de Montpellier, ont senti la nécessité d’intervenir dans le débat public par le moyen d’une tribune publiée dans le journal "Le Monde" le 14 mai 2013.

Ils ont expliqué notamment : « L’internat de Sourdun est efficace parce qu’il a concentré des ressources importantes par élève. Il prend ainsi le contre-pied d’une politique d’éducation prioritaire qui mobilise des moyens importants, mais les dilue sur un grand nombre de jeunes, sans effets bénéfiques démontrés. ».

Ils ont dénoncé l’option choisie par le gouvernement : « Elle coûtera deux fois plus cher qu’un (…) plan de réduction de la taille des classes et vraisemblablement plus cher que les internats d’excellence. Sept mille postes ont été annoncés pour le dispositif "plus de maîtres que de classes" qui consiste à fournir à certaines écoles un enseignant supplémentaire non affecté à une classe. L’idée est séduisante. Mais prudence : les dispositifs qui ont été évalués à l’étranger n’ont pas eu d’effets positifs sur les résultats des élèves. Aux États-Unis, une expérience a montré que les classes bénéficiaires n’ont pas progressé plus vite que les classes témoins. ».

Et ils ont ainsi pointé le problème que cela engendrerait : « [Le problème] serait de mettre en œuvre une mesure nouvelle dont les effets ne sont pas démontrés, sans l’assortir d’une évaluation rigoureuse. Ce serait un pari risqué. » pour conclure cependant en queue de poisson, un peu avec une arrière-pensée corporatiste, que « L’Éducation nationale doit se donner elle aussi les moyens d’apprendre. » [en concevant des outils d’évaluation].

Au lieu de supprimer ce qui marche, imaginer de nouvelles méthodes qui marcheront aussi

Quand ce gouvernement, décidément guidé par l’idéologie la plus contreproductive, cessera-t-il de détruire ce qu’il se fait de bien dans ce pays et proposera-t-il de nouveaux projets pour encore mieux aider les jeunes en difficultés ?

D’ailleurs, peut-être que l’idéologie se couple ici avec l’électoralisme : en période de rigueur budgétaire, pour recruter les 60 000 fonctionnaires supplémentaires promis par le candidat François Hollande, il fallait bien sacrifier quelques autres budgets. C’est ce qu’avait d’ailleurs décelé sa concurrente Martine Aubry lors du dernier débat de la primaire socialiste le 12 octobre 2011.

J’espère que les journalistes les moins focalisés sur la politique politicienne évoqueront ce sujet des internats d’excellence lors de la conférence de presse présidentielle de ce jeudi après-midi.

Il y a une réelle contradiction entre un Président de la République qui n’a cessé de répéter pendant sa campagne présidentielle que la jeunesse était sa priorité absolue et cette décision d’en finir avec l’une des meilleures initiatives de la décennie dans ce domaine.

À moins qu’on ne soit effectivement gouverné par de vrais shadoks…

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 mai 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Les différents rapports concernant les internats d’excellence (à télécharger).
Le discours de Nicolas Sarkozy le 8 février 2008 à l’Élysée (à télécharger).
La circulaire de Vincent Peillon du 10 avril 2013 sur la rentrée scolaire 2013 (texte intégral).
François Hollande.
Jean-Marc Ayrault.
Vincent Peillon.
Gouvernement de shadoks.
Le statut d’auto-entrepreneur.
Le grand emprunt de 2009.
Prime à l’assiduité ?
60 000 fonctionnaires supplémentaires dans l’Éducation nationale.
"N’abandonnons pas trop vite les internats d’excellence" (tribune d’universitaires dans "Le Monde" du 14 mai 2013).

(Le dessin provient des Shadoks de J. Rouxel ;
les photos correspondent à l’internat d’excellence de Sourdun).


http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/internats-d-excellence-pourquoi-135904