J.M : Je ne sais pas si quelque chose me prédestinait à cet intérêt. Je suis de nature curieuse, j’ai une formation en sciences de la vie, puis j’ai bifurqué vers le journalisme. Quand j’étais étudiant j’étais un matérialiste classique, intéressé par les sciences et la philosophie, puis j’ai découvert le phénomène NDE (expériences de mort imminente) par un ouvrage collectif de Iands-France, La Mort Transfigurée. J’ai été convaincu par le sérieux de l’approche, universitaire, pluridisciplinaire, etc. À la même époque j’ai commencé à utiliser internet et j’ai consulté de nombreux sites sur les NDE, OBE, et les états modifiés de conscience en général. J’ai rencontré des témoins, et je suis devenu convaincu qu’il y avait quelque chose de très intéressant à explorer derrière tout ça, sans forcément adhérer immédiatement à l’idée de vie après la mort. Je me suis souvenu avoir vécu des sensations bizarres à l’adolescence, puis je me suis mis à faire un peu de méditation. On ressent assez facilement des choses fortes, des états nouveaux. Les mystères de la conscience et de la nature humaine sont fascinants. Et donc dans la foulée les phénomènes psi m’ont rapidement interpellé, notamment car dans les NDE il y a des aspects télépathie, perception extrasensorielle, etc. J’ai rencontré Yves Lignon à Toulouse et j’en ai appris beaucoup plus sur ces sujets.
Dans votre premier ouvrage La Voyante et les scientifiques, vous abordiez l’étude des phénomènes paranormaux sous un angle inhabituel. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J.M : En fait la voyante de mon livre est un personnage atypique, car elle a accepté pendant de nombreuses années de participer à des expériences scientifiques, avec Yves Lignon, et elle reverse l’essentiel de ses gains à des associations. Il était donc intéressant de retracer son parcours, émaillé de nombreuses observations faites par des scientifiques, des médecins ou autres, et aussi d’anecdotes vérifiables, de prédictions précises, etc. L’enquête montre que la voyance est une réalité scientifique, mais pas une science exacte. Ses mécanismes sont incompris, c’est pourquoi les phénomènes psi pourtant avérés comme la perception extrasensorielle ne sont pas largement reconnus à l’heure actuelle. À mes yeux ces recherches forment un tout avec l’étude de la conscience, les neurosciences, et même la physique, qui fondent de toute façon la biologie. C’est pourquoi dans la deuxième partie du livre je souhaitais aborder les questions posées par les phénomènes psi en général, l’étude d’une « conscience globale », les recherches sur l’inconscient cognitif, les effets de la méditation, etc. J’évoque de nombreux travaux scientifiques sérieux qui pointent vers une conception non strictement matérialiste de la conscience. Mais encore faudrait-il savoir ce qu’est la matière. Cette question-là n’est pas figée.
Quel fût votre réaction à la lecture de Devenez sorciers, devenez savants de Henri Broch et George Charpak (2002 - Editions Odile Jacob) ?
J.M : Je ne perds pas mon temps à lire des textes qui défendent une idéologie au mépris de tout examen des faits. Je me fie aux avis de certains de mes amis sur ce genre de prose. En revanche, j’ai lu avec délectation l’excellente réponse à ce livre qu’a publiée Bertrand Méheust (Devenez savants, découvrez les sorciers). Les gens qui se cramponnent à l’idéologie matérialiste me font de la peine et me font peur à la fois. Ils me semblent aveuglés et c’est dangereux, mais je pense aussi qu’ils ont peur de perdre quelque chose si leur vision du monde s’avérait fausse. Pourtant, la science doit être la quête de la vérité, quelle qu’elle soit. Ils ont peur notamment du « retour des religions », et je les comprends, mais c’est une vision archaïque des choses. La question est bel et bien le post-religieux, la spiritualité non dogmatique, qui émerge aussi bien parmi les athées que chez les croyants classiques. Marcel Gauchet a théorisé la sortie des religions à partir du christianisme, qui a donné du sens à la notion d’individu.
En ce sens, l’individualisme forcené de nos sociétés serait le fruit de la christianisation. Aujourd’hui, il s’agit de dépasser l’individu pour réaliser le lien, naturel, qui unit les individus entre eux et à la nature. Il ne s’agit donc pas de ré-enchanter le monde, mais bien d’aller vers une meilleure compréhension du réel, ce qui est une démarche à la fois scientifique et métaphysique.
Au sein du livre Les Enigmes de L’Etrange, vous avez traité des Templiers, aujourd’hui les mouvements sectaires s’accaparent de plus en plus les symboles de cet ordre ancien, pouvez-vous nous dire pourquoi ?
J.M : Je ne sais pas si on peut dire cela. L’héritage des Templiers est revendiqué par certains de façon complètement illégitime, en effet, mais la symbolique est celle de l’engagement total au service d’une cause, la foi absolue en une transcendance, qui justifie jusqu’à l’action violente, le secret, etc. Il n’est donc pas étonnant que des mouvements sectaires s’appuient sur cette symbolique templière, mais ça n’a pas de sens aujourd’hui. D’abord toute forme de violence est à proscrire, et je suis contre tous les discours de prétendus « élus ». Comme les Cathares, les Templiers étaient sûrement plus chrétiens que ceux qui les ont jugés, et le cœur de leur message a été perpétué dans la tradition alchimique et certains courants de la franc-maçonnerie. Il faut faire confiance au travail des historiens et ne pas céder à l’irrationnel. La raison doit avoir toute sa place dans une quête spirituelle. Alors que, par définition, elle n’a pas sa place dans les sectes.
Faites-vous partie de ces chercheurs qui pensent que des sociétés secrètes, influencent (positivement ou négativement d’ailleurs), l’évolution de notre monde ?
J.M : Non, mais je ne suis que journaliste et pas chercheur... J’ai écrit sur la théorie du complot dans Les énigmes de l’étrange. Je ne crois pas à l’influence directe de sociétés secrètes mais la marche du monde telle qu’elle est engagée actuellement peut très bien être comprise comme le fruit d’un « complot » de certaines élites. Mais un complot « à ciel ouvert » et non secret. Le triomphe du cynisme, l’absence totale d’éthique dans l’usage des instruments financiers et économiques, sont désormais une évidence y comprise aux yeux de ceux qui sont acquis à la cause ultralibérale. Et les mêmes s’accorde à voir un système qui court à sa perte, rapidement. On nous promet de plus en plus d’ « émeutes de la faim » qui ressemblent fort à des émeutes de la fin. S’il n’y a pas une prise de conscience globale de la nécessité de repenser les relations entre les hommes, l’humanité va considérablement régresser. La solution ne peut être qu’une question d’éthique, de spiritualité athée ou non. Par ailleurs, je suis bien obligé de préciser que je pense que de grandes manipulations géopolitiques sont possibles, et certaines sont avérées dans l’histoire, conduites par des gouvernements ou des pouvoirs institutionnels. Malheureusement, les cyniques qui sont aux commandes estiment que la fin justifie toujours les moyens, même si la fin elle-même est injustifiable. La justification de la fin est de toute façon une question annexe, puisque la fin est présentée comme allant de soi.
Concernant maintenant l’étude des phénomènes paranormaux, pensez-vous qu’aujourd’hui la France soit en retard sur d’autres pays ?
J.M : Oui elle est en retard au plan de la recherche sur le psi mais la science est internationale et les travaux notamment américains font foi. Ils montrent que les phénomènes psi sont une réalité. La France et l’Europe peuvent contribuer à l’étape suivante, conceptuelle et théorique, pour bâtir des nouveaux modèles qui permettront de comprendre ces phénomènes. À l’heure actuelle, des physiciens travaillent d’arrache-pied sur les paradoxes centenaires de la mécanique quantique et intègrent à leurs réflexions le rôle de la conscience. Il y a un véritable bouillonnement d’où sortira une nouvelle conception de l’homme, de la matière et du réel, qui relativisera la conception précédente comme Einstein a relativisé Newton. Cette révolution est peut-être pour très bientôt.
Comme vous le montrez dans votre livre Parapsychologie : Le dossier - les acteurs, la science, la recherche, ces phénomènes ne se résument pas qu’aux charlatans et aux fraudes. Pensez-vous que nous allons vers une évolution des mentalités par rapport à ce type de phénomènes ?
J.M : Oui, l’évolution des mentalités est largement engagée. De nombreuses personnes vivent des phénomènes psi de toutes natures, du rêve prémonitoire à l’expérience de mort imminente, qui transforme la vie. Les scientifiques sont plus ouverts, car eux aussi ont des expériences, mais le poids des institutions reste important. Il faut des travaux qui répondent aux critères de validité de la science, puis que l’information redescende jusqu'au grand public. Les phénomènes de perception extrasensorielle sont relativement faciles à accepter. C’est plus difficile pour la psychokinèse, l’action sur la matière, ou pour les phénomènes liés à la question de l’autonomie ou de la survie de la conscience. Il y a des blocages forts car c’est une remise en cause de fondamentaux de la science, mais il faut bien garder à l’esprit que nous savons probablement très peu de choses, y compris sur la structure même de l’univers et de la matière. Il suffit d’évoquer la matière noire et l’énergie sombre, ou réciproquement... De plus, tout le savoir direct, immédiat, analogique, de l’intuition à l’expérience mystique, ce savoir renvoie lui aussi sans aucun doute à une réalité « objective ». Tout ce corpus de connaissances n’est pas vide de sens. Je suis convaincu qu’il nous faut conjuguer les deux approches en une raison intuitive, ou une intuition raisonnée, de même que notre cerveau réunit nos deux hémisphères dont l’un (le droit) serait plus analogique et l’autre plus analytique.
Jocelyn Morisson pendant sa conférence à Martigues
Préparez-vous un nouveau livre ?
J.M : Je publie un livre dans la collection « Les aventuriers de l’étrange » chez Dervy, avec Louis Benhedi. C’est le premier volume et il est consacré aux « NDE, expériences de mort imminente ». J’ai également traduit le livre du neurologue québécois Mario Beauregard (The Spiritual Brain) qui paraîtra aux éditions La Maisnie. J’ai par ailleurs finalisé un manuscrit avec Michèle Lazès, ex-danseuse danseuse étoile et chorégraphe, devenue sculptrice après une NDE. Son histoire est passionnante et nous la proposons aux éditeurs... Enfin, je collabore au projet de rédaction d’un manuel de description clinique des expériences extraordinaires avec l’Inrees.
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Interview faite par Internet
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Pour plus de renseignements : EDITION LES TROIS ORANGERS