Dans notre société moderne et capitaliste, la sélection par l’argent est de plus en plus évidente. Le cyclisme n’échappe pas à cette évolution que l’on peut déplorer par rapport à une certaine époque, car elle favorise les nantis et pénalise lourdement les équipes à petit budget.
Une
réalité qui donne aussi à réfléchir car avec la crise économique actuelle elle
pourrait bien remettre en question les fondements même de la compétition professionnelle
et créer un cyclisme à deux vitesses non plus uniquement à cause du dopage,
comme il y a peu.
Il manque à Bernaudeau 2 millions d’euros, estime-t-il, pour faire grandir son équipe, lui donner des structures solides, assurer sa pérennité, bref survivre. Mais il ne sait pas si Europcar, qui assure soixante pour cent de son budget, pourra consentir à une telle rallonge pour repartir. La crise, toujours. Il recherche donc un co-sponsor dans un contexte particulièrement défavorable.
Difficile de conserver ses coureurs quand l’avenir n’est pas assuré. Difficile de se concentrer sur des objectifs quand on ne sait pas de quoi demain sera fait. Difficile surtout de s’aligner sur les salaires proposés ailleurs. C’est l’inquiétude légitime, les questions pour l’heure sans réponse, les contacts à multiplier, bref la guerre des nerfs qui bouffe la santé du manager vendéen, déjà très éprouvé par les innombrables démarches qui lui ont permis de sauver in extremis son effectif il y a trois ans.
Contrairement au football, il n’y a pas dans le milieu du vélo de rentrées d’argent autres que celles des sponsors. C’est toute la différence. Et quand l’économie va mal, tout le système en subit les conséquences. L’équilibre est fragile entre la publicité fournie par les résultats et le retour sur investissement de ces bailleurs de fonds. Ceux-ci se font rares au haut niveau international. Pour beaucoup d’équipes, notamment les françaises mais aussi de nombreuses formations italiennes, le combat est inégal. Certaines sont reléguées en deuxième division (Continental pro), voire troisième (Continental), faute de moyens financiers suffisants ou de ces fameux points UCI qui sont à l’origine de la surenchère actuelle. La réussite de ces « petites » équipes n’en est que plus méritoire. Mais à quel prix ? En troisième division, il n’est pas rare que le coureur doive lui-même trouver un sponsor et fournir son propre matériel pour obtenir un contrat !
Ces dernières saisons les changements ont été nombreux, à peine compensés par l’arrivée de l’australienne GreenEdge et d’une nouvelle équipe suisse, IAM cycling, qui ne demande qu’à grandir. Mais parmi les grosses formations, Coast, Gerolsteiner, Milram, Telekom, Crédit agricole, HTC-Highroad et d’autres ont disparu depuis plusieurs saisons; Omega Pharma a fusionné avec Quick Step, Rabobank s’est retiré et RadioShack ainsi que VacanSoleil ont d’ores et déjà annoncé leur retrait pour fin 2013.
Une situation qui ne manque pas d’inquiéter car, après les affaires de dopage, voici une autre raison qui nourrit le pessimisme ambiant et fait craindre le pire pour de nombreux salariés, pas uniquement coureurs. L’image du cyclisme professionnel et sa survie sont directement concernés par cette évolution déplorable qui creuse un fossé toujours plus profond où l’avenir du vélo risque bien de se noyer.
Bertrand Duboux