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Du lourd, du très lourd hier soir à la Salle Pleyel pour le récital du pianiste Yefim Bronfman.
Mais nous voulions surtout parler du programme. A la lecture de celui-ci on se dit que nous avons intérêt à être en pleine forme ! Trois sonates, une de Haydn, une de Brahms et une de Prokofiev. Trois compositeurs qui laissent peu de place à l’insouciance et une forme musicale plutôt consistante… Alors on imprime et on se plonge dans le programme en ligne sur le site de la Salle Pleyel. Mais on découvre des explications un peu compliquées, très techniques. Saluons la page "résumé" du concert au début du fascicule, qui lui explique très bien le principe du concert.
Trois sonates, trois époques, trois styles. Chez Haydn, une oeuvre à l’élégance propre au compositeur, poétique et académique. Celui qui déclara concernant Mozart qu’il était "le plus grand compositeur" qu’il connaisse et qui fut aussi le professeur de Beethoven, compose la Sonate pour piano n°60 en do majeur lors d’une tournée à Londres. Chez Brahms une sonate imposante, en cinq mouvements et 40 minutes d’exécution. Puissante, à la forme très travaillée, la sonate pour piano n°3 est la dernière des trois sonates pour piano de Brahms qui donne au piano l’occasion de se prendre pour un orchestre tout entier. Enfin avec Prokofiev, changement total de décor. Une oeuvre beaucoup plus conceptuelle, cérébrale et poétique écrite par le compositeur russe entre 1939 et 1944, période tumultueuse et qui a forcément marqué Sergueï Prokofiev dans sa composition de cette sonate pour piano n°8.
Pour servir ce programme, un pianiste qui a démarré sa saison 2012/2013 avec l’orchestre philharmonique de Berlin et Simon Rattle : Yefim Bronfman. Pianiste au parcours personnel international : il naît en URSS avant d’émigrer en Israël pour finalement devenir citoyen américain en 1989.
On doit vous avouer que nous ne connaissions pas ce pianiste. Nous avons donc du effectuer des recherches pour découvrir un interprète puissant de Rachmaninov et Bartók un amateur de musique du XXème et XXème siècle, un soliste qui arrive à associer dans son jeu fraîcheur et années d’expérience, douceur et assurance. Nous étions donc plutôt serein en arrivant Salle Pleyel, mais qui ne l’est pas en entrant dans cette institution musicale parisienne.
Et "serein" c’est le mot. Yefim Bronfman fait partie de ces pianistes à qui on ne la fait pas. C’est un soliste sobre, calme, sûr de lui qui arrive sur scène. Dans la sonate de Haydn il se dégage une impression apaisante. On est bien, on sait où l’on va et en plus on est loin de s’ennuyer. Quelle clarté dans le jeu ! On est ailleurs, l’esprit s’envole. Avec Brahms, on assiste à 40 minutes d’un jeu académique, profond et beau. Le tout est très, très, très maîtrisé avec finesse et puissance. Dans le troisième mouvement le pianiste se laisse même emporter par la musique. Les mouvements se font plus amples, le jeu plus personnel. Enfin, après l’entracte Prokofiev, pour une troisième oeuvre encore dans un style différent. Et encore une formidable maîtrise. Yefim Bronfam se livre à de superbes duos avec son instrument, parfois en forme de lutte, parfois plus apaisé. L’oeuvre est plus compliquée, moins accessible mais le soliste lui donne des couleurs attrayantes. C’est éclatant quand cela doit l’être, doux si nécessaire. Pour finir, trois rappels d’une virtuosité technique impressionnante pour des rappels, qui finisse de nous convaincre que décidément, rien ne fait peur à Yefim Bronfam.
Cette sobriété dans le jeu et les saluts va de paire avec une élégance et une force qui frôle l’excellence. "C’est un peu parfait" déclare notre voisine de gauche au milieu de la soirée. Et elle a raison. Certains trouveront un manque d’inventivité, d’autres regretteront de ne pas être touchés. Mais en réalité, on ne peut rien reprocher. Tout est très bien traité (rythmes, couleur, intensité…) et techniquement c’est impeccable, sans être glacial.
Une grande soirée, un grand pianiste, un grand bravo.
Nous avions un avis différent pour le concert de mardi…