Ben Fountain avait fait
sensation il y a cinq ans avec un remarquable recueil de nouvelles, Brèves rencontres avec Che Guevara. Son
premier roman, Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, est à la hauteur de l’attente. Tragique et burlesque, il raconte
les derniers moments d’une tournée victorieuse effectuée par un groupe de
soldats américains revenus d’Irak après de violents combats filmés par une
chaîne de télévision. On dit moins à la population qui les accueille en héros
quel sera leur sort dans quelques heures : retourner en Irak pour y
terminer le temps de leur engagement, au risque bien sûr de perdre la vie ainsi
que c’est arrivé à un de leurs compagnons.Les hommes de Bravo – ce
nom de baptême ne correspond à rien sur le terrain mais sonne bien aux oreilles
des patriotes américains – vont de
réception en réception, grappillant de petits plaisirs éphémères et ruminant les
questions sur ce qui les attend quand ils seront retournés au front. Ils
participent à une entreprise de propagande et ils en sont conscients. Ils
l’acceptent jusqu’au ridicule quand, à la mi-temps d’un match de football
(américain), ils se retrouvent sur scène en compagnie des Destiny’s Child – et
ce qu’ils aimeraient faire avec Beyoncé ne ressemble pas à ce qu’on leur fait
faire…Billy Lynn, dix-neuf ans
et un avenir très compromis, est la vedette du jour, pour des raisons qu’il a
du mal à expliquer. Bien sûr, il a probablement accompli une sorte d’exploit,
mais plus par réflexe que par courage et, s’il devait retenir une seule chose
de l’événement qui l’a rendu célèbre, ce serait la peur. Il ne se sent pas à la
hauteur de l’image que les gens se font de lui et le projet de film qu’un
producteur travaille à monter autour de leurs personnages lui paraît bien
éloigné. Il l’est encore davantage en réalité, d’ailleurs…En revanche, Billy,
sentiments à fleur de peau, est sensible à la beauté d’une cheerleader qui a
accroché son regard, et bientôt un peu plus que son regard. Il n’est pas sourd
non plus aux appels des femmes de sa famille qui aimeraient le voir déserter
plutôt que repartir en Irak.Le tragique est engendré par le destin de ces
hommes poussés vers la mort au profit d’ils ne savent pas trop quelle
nécessité. Le burlesque, par la manière dont ils sont manipulés comme des
objets sacrés aux pouvoirs mystérieux. De cette cacophonie, Ben Fountain fait
un modèle de roman ironique.