[Critique] GATSBY LE MAGNIFIQUE – 3D - (The Great Gatsby) de Baz Luhrmann

Par Celine_diane
- Cannes 2013 – Film d’ouverture - 
Les décharges anachronico-baroques de Luhrmann ne sont guère surprenantes. Depuis sa relecture kitsch du shakespearien Roméo & Juliette, il ne cesse d’électriser le vintage à coup de modernisme coloré, de paillettes en pagaille, et de numéros pompeux qui affichent sans complexe leurs outrances. Avec son adaptation d’un grand roman de la littérature américaine, soit The Great Gatsby de Fitzgerald en l'occurrence, il ne s’éloigne pas de sa ligne de conduite assumée : en mettre plein les mirettes, en s’inspirant de l'univers du clip, en traitant des thématiques classiques (l’amour fou, le rêve américain, la folie des grandeurs) à travers un prisme pop. Le printemps 1922 du film n’est donc pas vraiment le printemps 1922 du livre. S’il y a bien des saxophonistes sur les toits de New-York, leurs accords ont été remastérisés, avalés, régurgités par et pour la jeune génération dans une sorte de mashup fort désagréable à l’oreille qui mixe du Jay-Z aux rythmes jazzy. Beurk. Même chose pour l’esthétisme clinquant arboré par Luhrmann : les coiffures et costumes d’époque sont là, mais noyés sous un visuel très Spring Break où tout le monde se déhanche sans trop savoir pourquoi en buvant du champagne. Dire qu’on est très loin de Fitzgerald est donc un euphémisme. On est, finalement, on ne sait trop où, un peu piégés au cœur d’un gigantesque capharnaüm, criard et sans goût, vision (presque) cauchemardesque d’un univers ampoulé à mort, que l’on est en droit de rejeter en bloc. Une fois le style jeté à l’écran, que reste-t-il à sauver de tout cela ? 
L’histoire, déjà, belle en soi, d’un homme amoureux fou, finalement laissé pour compte, abusé jusqu’à l’os par des arrivistes, enchaîné aux fardeaux des artifices. Une love story à la Moulin Rouge qui mêle lutte des classes, mirage des réussites matérielles et tragédies sentimentales. L’autre gros atout de Lurhmann, c’est Leonardo Di Caprio, qui semble mixer toutes ses dernières interprétations en date (les démons d’Howard ‘Aviator’ Hughes + la passion de Edward ‘Shutter Island’ Daniels = Jay Gatsby) afin de devancer (sans trop d’efforts) ses partenaires de jeux, Tobey Maguire, un peu falot, et Carey Mulligan, moins intense qu’à l’accoutumée. Sa classe naturelle et son magnétisme parviennent à se faufiler à l’écran, entre le bruit et le néant, entre Beyoncé et Lana del Rey. Plutôt pas mal. Pour le reste, Lurhmann n’épate pas par la subtilité de ses idées de mise en scène. Pour signifier l’écriture en cours du roman, il appose des mots sur l’écran. Pour évoquer la dépression du personnage narrateur, il lui colle une barbe de trois jours. On repassera. L’utilisation de la 3D, quant à elle, sauve quelques belles parenthèses visuelles : ces gros flocons blancs qui plongent la salle en plein hiver, ou ces guirlandes de fête que l’on pourrait presque toucher du doigt. Cela ne suffit pourtant pas à nous entraîner sur la piste. Dans un sens, on est un peu comme Nick Callaway, protagoniste principal dont le film adopte le point de vue. Soit: le simple observateur des excès d’un autre.