Après les scandales concernant les ententes de prix sur les rails, le chocolat, le ciment et les ascenseurs, au tour de la pomme de terre d’être au centre des préoccupations. Les autorités fédérales allemandes de la concurrence soupçonnent un cartel d’avoir dicté les prix de la Kartoffel pendant ces dix dernières années.
Dans les années 1950, l’Allemagne de l’Ouest instaura l’économie sociale de marché. Ce système économique suit le principe selon lequel le libre-marché est par nature social, ce qui implique entre autre que la concurrence va dans le sens du consommateur. C’est dans cette optique que les cartels ont été interdits en 1958 : alors que les prix sont censés se former selon la loi de l’offre et de la demande, les cartels s’entendent pour les fixer à un niveau en général plus élevé, ce qui défavorise le consommateur.
En ce début de mai 2013, les journaux ont mis en exergue que le marché allemand de la pomme de terre a été victime d’un cartel depuis une dizaine d’années. Ce cartel, constitué de neuf producteurs et grossistes, aurait fonctionné de manière très simple : chaque semaine, le leader du cartel aurait appelé ses collègues et fixé un prix de livraison à imposer aux grandes enseignes. Les offres proposées ne se seraient ensuite différenciées que de quelques centimes.
En particulier, 80% à 90% des prix auraient été augmentés. Cette hausse des prix est en général passée inaperçue. Cela vient du fait que les prix variaient uniquement d’un ou quelques centimes d’un mois à l’autre. Néanmoins, après des années de magouilles, les centimes additionnés représentent une belle somme. Les journaux allemands affirment que le cartel a ainsi multiplié ces marges par dix, récoltant près d’un milliard d’euros au passage.
Il est évident que le cartel devra payer très cher. Mais qu’en est-il des victimes ? Les agriculteurs ont subi une augmentation du prix des plants de pomme de terre. Mais il semblerait que le cartel décidait quels agriculteurs et acheteurs avaient le droit de coopérer. Les agriculteurs auraient-il donc été au courant de l’existence d’un cartel ? De plus, les grandes enseignes se sont faites berner par le cartel mais il semblerait qu’elles aient répercuté la hausse des prix directement sur le consommateur. En ce sens, les considérer comme victime devient délicat.
Les consommateurs, quant à eux, semblent être de réelles victimes. En effet, ils ont payé pendant des années une pomme de terre trop chère qui ne retrouvera probablement pas son prix initial. Ils pourraient obtenir gain de cause à travers une action commune en justice mais ce genre de procédure est peu commun en Allemagne. Les allemands obtiendront-ils un dédommagement ? Cela est peu probable. Le cartel est donc bel et bien un néfaste pour le consommateur.
Marjolaine Basuïau