Venez admirer braves gens : Guignol et sa famille sont sortis de leur boîte à turlupinades ! Rions en chœur, rions-en bien, le spectacle est gratuit et s'offre au monde entier !
Scène 1 (où se présente, rayonnant dans son manteau de gloire, le 1er Guignol) : Caïd El Flouzy, et son élevage d'émeus chasseurs de boules bondissantes — manchots célestes à Ferrari et têtes de son —, ivres d'une victoire contre l'herbe du parc des Princes, s'avisent de fêter leur sacre devant le peuple de Paris ahuri. Et pour que de l'or repousse à la place de l'herbe piétinée, cependant qu'on cornera mondialement sa renommée, Caïd El Flouzy exige que ledit sacre se fasse au cœur-même de la ville-lumière, sous les jupes de la Tour Eiffel.
Scène 2 (où se glisse, rosissant, le 2ème Guignol) : Mignon, le baron fieffé de Paris, tout exalté de cet événement inaccoutumé, prompt à succomber à l'avantageux Caïd, n'ose rien refuser et lui accorde en faisant des mines la clé des quartiers les plus précieux de sa bonne ville — tous ces grands garçons en shorts, et leur Caïd si fringant, ne lui ont-ils pas promis qu'ils resteraient bien sages ?
Scène 3 (où surgissent des myriades de lutins patibulaires à capuchon, à la surprise des gens d' «autorité» que l'on pensait avisés) : Les grands garçons en short sont encerclés par un peuple « imprévu » de gueux et de crapules, venu des banlieues borgnes en voie de décolonisation républicaine. Shootée d'herbes malsaines, de hargne et d'une overdose de crétinerie, la veule racaille, se noyant dans la masse incontrôlable des « festifs », fracasse tout sur son passage — comme il fallait bien s'y attendre. Même des cars de touristes, en goguette dans les plus beaux quartiers de la ville la plus touristique du monde, sont assaillis comme de vulgaires coptes au Caire ou à Alexandrie !
Scène 4 (où se trouve poussé, agacé qu'on le dérange pour si peu, le 3ème Guignol) : Le capitaine Crochu, prévôt des polices parisiennes, soucieux de ne gâcher la fête de personne — et surtout pas celle des avant-gardes de lutins à capuchon, qu'il faut aimer pour être l'avenir de la France —, détourne la tête des premiers « débordements ». Devant la vitalité «inattendue» des joyeux sauvageons, et le gonflement soudain de leurs effectifs, le capitaine Crochu se résout enfin, de mauvaise grâce, à faire intervenir, trop tard et trop mal organisés, ses hoplites débordés. On l'avait pourtant connu, il y a peu, plus prompt à réprimer de prétendus « fauteurs de trouble », et sachant anticiper leur « dangerosité », lorsque des familles avec bambins avaient eu l'incivisme de manifester contre le mariage homo...
Scène 5 (où pérore le 4ème Guignol, qui démontre que c'est l'opposition parlementaire la vraie responsable des émeutes urbaines) : Devant micros et caméras convoqués, le général Marchencrabe, supérieur du capitaine Crochu, fait des moulinets avec ses petits bras et se dédouane de tout en grinçant. Certes, son capitaine Crochu est chargé d'organiser la sécurité de Paris, mais ce n'est tout de même pas de sa faute si les voyous sont méchants. Certes lui-même est le premier responsable de la sécurité du territoire, mais s'il fallait contrarier Mignon chaque fois qu'il veut voir les Parisiens faire les folles dans la rue, on n'en finirait pas ! Et puisque l'opposition critique son bilan, c'est bien qu'elle est factieuse ! Et les factieux cautionnent les racailles, CQFD ! Taisez-vous quand je parle !
Paris est la scène d'un théâtre de gnomes offert à la risée du monde. Alors rions ! Il faut en rire bien fort, pour éviter d'exploser de colère et de honte. Entrez, entrez public ! Paris fut la belle capitale d'un grand pays. C'était il y a longtemps. Marchons encore un peu dans ces rues en débris, nous irons chier plus tard sur les pelouses du Champ de Mars.