Nous sommes donc à la base dans un domaine où l'idée même de la propriété donne un peu le vertige. Précisons donc. Myriad Genetics a découvert les gènes BRCA1 et BRCA2, tous deux associés à certaines formes de cancer. Et maintenant elle défend l'idée qu'elle aurait le droit de permettre ou d'interdire tout test sur ces gènes. Tout test, c'est-à-dire celui que Myriad a développé et commercialise au prix fort, mais aussi tout autre test présent ou futur qui serait développé par une firme concurrente ou par un service public. Même (surtout) s'il est moins cher ou plus efficace. Aïe.
Il faut espérer qu'ils perdent, là. Mais surtout, il faut saisir cette occasion pour se (re)-demander à quoi, finalement, servent les brevets. A reconnaître la propriété sur une idée dont on est l'auteur, diront certains. Mais ici la découverte des gènes BRCA1 et BRCA2 a largement reposé sur des recherches publiques financées collectivement, et conduites par des foules de personnes. La propriété de Myriad Genetics, là? Elle vient du fait d'avoir déposé ce brevet et de l'avoir fait avant les autres, plus que du fait d'avoir 'été' la 'personne' dont la découverte émanerait. D'autres vous diront que les brevets servent à promouvoir l'innovation en récompensant les personnes qui développent de nouvelles techniques. Mais ici c'est plus que discutable. En fait, ce brevet pourrait au contraire empêcher des recherches et des progrès futurs. Les chercheurs n'ont pas accès aux tests de ces gènes sans payer des droits considérables: cela freine la recherche fondamentale et aussi la recherche de tests alternatifs qui seraient plus performants. Dans les deux cas, les droits de propriété intellectuelle sont censés améliorer le bien commun. Le font-ils? Pas toujours. Je vous parlais il y a quelques temps de l'affaire des médicaments génériques en Inde, un cas où la Cour suprême indienne a donné tort à l'industrie. Le cas de Myriad est très différent, mais il y est tout aussi clair que le brevet en question ne sert pas, ici, de bien commun. Une affaire à suivre, donc...