Variantes : où est le compositeur ? où sont les partitions ?
où sont les musiciens ? où sont les auditeurs ? etc. (pour les instruments, prière de prendre la "boîte à outils").
Le Président de la
République va tenir sa seconde conférence de presse jeudi. L’occasion de retracer une vision et de
clarifier le flou qui a caractérisé son laborieux début de quinquennat.
Gouverner la France en temps de crise semble être devenu un art si difficile que bien peu semblent désormais
y arriver avec succès. Un an après son investiture à l’Élysée, le 15 mai 2012, François Hollande a déjà dépassé tous les records d’impopularité que son prédécesseur avait pourtant atteints.
Parmi les maladresses qu’on lui reproche régulièrement, il y a le manque total de cohésion gouvernementale. Cela est même devenu un marronnier journalistique, cette idée
récurrente de montrer quelques contradictions entre ministres. Chaque jour apporte son lot. Le désespoir de François Hollande est sans doute que son meilleur Premier Ministre possible, à savoir
Jean-Marc Ayrault, manque à l’évidence d’aura médiatique pour ne pas dire d’autorité médiatique.
Meilleur possible car loin d’être un mou, Jean-Marc Ayrault semble solide dans ses résolutions, et il a le
double avantage de n’avoir aucune ambition présidentielle (un peu comme Jean-Pierre Raffarin en 2002) et
d’avoir travaillé en bonne connivence avec François Hollande depuis 1997, l’un comme premier secrétaire du PS et l’autre comme président du groupe PS à l’Assemblée Nationale.
Son très proche ami Michel Sapin, par ailleurs Ministre du Travail, avait confirmé récemment qu’il y aurait certainement un remaniement ministériel pour rendre l’action gouvernementale encore « plus efficace que maintenant ».
Cette nécessité de changement avait d’ailleurs été confirmée par le Président de la République lui-même dans
son interview à "Paris-Match" le 8 mai 2013 avec ces deux petites phrases anodines : « Le remaniement viendra en son temps. (…) Personne n’est
protégé dans le gouvernement, personne n’a d’immunité. ».
Observateur scrupuleux de la vie politique depuis un quart de siècle, François Hollande serait alors bien inspiré d’aller vite, à partir du moment où
il a annoncé ce remaniement, sous peine de voir se développer au sein de ses ministres un climat excessivement exécrable.
Son prédécesseur avait essuyé une semblable mésaventure en annonçant un peu trop tôt à l’avance, en juin 2010, qu’il comptait changer de gouvernement.
À l’époque, les rumeurs allaient bon train pour envisager un remplacement de François Fillon par Jean-Louis Borloo à Matignon. Nicolas Sarkozy voulait cependant
attendre l’adoption définitive de la réforme des retraites défendue par Éric Woerth, ce qui a fait qu’en novembre 2010, la majorité de l’époque s’était beaucoup divisée dans l’anxieuse
incertitude des destins individuels.
Pour François Hollande, l’heure a peut-être sonné car il voulait probablement attendre l’adoption définitive de la loi de sécurisation de l’emploi, ce
qui vient de se produire avec le vote de la loi au Sénat ce mardi 14 mai 2013. Autre opportunité : selon "Le Canard enchaîné" du 15 mai 2013, la Cour d’appel de Paris pourrait annuler la
mise en examen de Martine Aubry, ce qui la rendrait disponible pour un éventuel rôle gouvernemental.
Une semaine avant, le Président de la République avait cependant jugé opportun de reculer en disant que le remaniement n’était pas encore
d’actualité.
Pourtant, tout milite pour un remaniement de fond en comble, même si celui-ci ne pouvait pas se dérouler à chaud avec l’affaire Cahuzac (affaire dont on n’entend presque plus parler, comme si une info chassait une autre).
Le principal boulet de ce gouvernement est la guéguerre que se livrent depuis un an Pierre Moscovici et Arnaud
Montebourg à Bercy. Tout est bon pour médiatiser leurs dissonances (BPI, Mittal, Dailymotion etc.). De plus, avoir sept ministres dans les domaines économiques n’aide pas à une vision claire
de la politique économique quand le titulaire principal n’est pas un poids lourd de la politique.
Deux personnalités importantes du PS viennent d’ailleurs d’ajouter leur grain de sel pour dire qu’il fallait repenser sérieusement Bercy, deux
personnalités qui, implicitement, se posent donc en candidates à la reprise de Bercy.
Ségolène Royal avait demandé le 13 mai 2013 une
"restructuration" de Bercy pour en finir avec les "zizanies" entre les ministres des dossiers économiques. C’était sans doute un petit coup de griffe à Arnaud Montebourg qu’elle avait puni en
pleine campagne présidentielle en le suspendant pendant un mois de ses fonctions de porte-parole parce qu’il avait osé plaisanter ironiquement le 18 janvier 2007 sur Canal Plus : « Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut. C’est son compagnon [François Hollande] ! ».
Laurent Fabius a été encore plus clair le 14 mai 2013 sur
RTL : « J’ai dirigé Bercy dans le passé [entre le 28 mars 2000 et le 6 mai 2002] et c’est vrai que Bercy a besoin d’un patron. Là, vous avez
plusieurs patrons et quelle que soit la qualité des hommes et des femmes et leur degré d’entente, je pense qu’une coordination plus forte serait utile. Mais c’est quelque chose qui est maintenant
partagé par tout le monde et j’imagine que s’il y a un remaniement, probablement avant la fin du quinquennat, cette question sera traitée. ».
Certains évoquent la possibilité d’une nomination de Pascal Lamy comme futur Ministre de l’Économie et des Finances. À 66 ans, l’ancien commissaire
européen terminera son second mandat de directeur général de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) le 31 août 2013. Il a suivi la même formation que François Hollande (HEC et ENA) et a une
compétence largement reconnue internationalement.
Dans tous les cas, les jours de Jean-Marc Ayrault à Matignon ne semblent pas encore comptés et François Hollande pourrait aussi se reposer sur
l’efficacité de trois de ses ministres : Michel Sapin, dont la fiabilité hollandienne est à toute épreuve, Christiane Taubira, dont la défense du mariage des couples
homosexuels a été saluée même par l’opposition, et Manuel Valls, dont la popularité et les thèmes
sécuritaires rognent sur l’UMP (même si les émeutes du Trocadéro du 13 mai 2013 l’a sensiblement affaibli dans sa crédibilité).
Le nombre très élevé de ministres n’est pas allé dans le sens de la cohérence mais c’était plus dans le choix
très hollandien de la synthèse de tous les courants du parti socialiste. Le manque de notoriété de la plupart des ministres après un an d’exercice est assez symbolique de leur inutilité : la
fonction ministérielle est une fonction politique et pas administrative (la France a l’une des administrations les plus performantes au monde) et dans cette fonction politique, il y a cette
nécessité de communication pour expliquer aux citoyens la politique suivie. Beaucoup de cabinets ministériels font encore preuve d’amateurisme.
François Hollande avait cru manier sa grande habileté politique en nommant le leader creux de la démondialisation à l’Industrie, comme pour le frotter aux réalités économiques tout en préservant dans l’électorat
la part altermondialiste. Maintenant qu’il a perdu à peu près tout cet électorat, François Hollande devrait être affranchi de cette dépendance partisane pour ne constituer qu’un gouvernement
homogène et réellement resserré dont la priorité serait uniquement l’emploi.
Dans un sondage pour iTélé et "Le Huffington Post" publié le 14 mai 2013 (à télécharger ici), la grande majorité des sondés ne serait pas opposée à un remaniement. Au contraire, ils jugent l’actuel gouvernement très défavorablement (pour 76%),
composé de personnes incompétentes (pour 70%), avec une ligne floue et mouvante (pour 69%) et refusent le modèle de société prôné par ce gouvernement (pour 71%).
Mais le sondage est encore plus cruel pour les ministres puisqu’il n’y a que trois ministres dont au moins
20% des sondés souhaiteraient le maintien dans le prochain gouvernement, à savoir Manuel Valls (pour 38%), Arnaud Montebourg (pour 23%) et Christiane Taubira (pour 21%).
La relative popularité d’Arnaud Montebourg, dont l’excitation verbale n’hésite pas à s’élancer aux frontières
du populisme, rend l’équation hollandienne plus compliquée que prévu : François Hollande aura politiquement du mal à renvoyer purement et simplement Arnaud Montebourg du gouvernement. Il va
donc devoir lui trouver un portefeuille où sa logorrhée n’aura plus aucune nuisance sur l’économie nationale (éducation ? justice ? défense ?).
Pour le reste, le déficit de notoriété de la plupart des ministres serait peut-être une aubaine pour le
Président de la République : dix-sept ministres n’ont même pas 10% de soutien, leur éviction passerait ainsi inaperçue !
Mais heureusement, on ne gouverne pas avec les sondages…
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (15 mai
2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Sondage sur les ministres (YouGov du 14 mai 2013 à
télécharger).
Un gouvernement pléthorique et
incohérent.
C’est la faute des
autres.
Union nationale en
France ?
François Hollande.
Jean-Marc Ayrault.
Laurent Fabius.
Manuel Valls.
Christiane Taubira.
Michel Sapin.
Arnaud Montebourg.
Vincent Peillon.
Pierre Moscovici.
(Les dessins proviennent des Shadoks de J. Rouxel).