Oui ma fille, tu as raison. Seize ans, une discrétion plutôt naturelle, une personne polie, mais là elle a pris sur elle, en se levant, en changeant les règles.
Debout, en cette fin de repas familial, après les apéritifs, les petits grignotages, le foie gras de l'oncle Philippe, fait par la tante Mimi soi-dit en passant, le gigot coupé dans des effluves d'ail confit, des flageolets, des haricots beurre, des fromages affinés, du bon pain, un dessert au chocolat, debout donc, elle a sorti son épée.
"Non, messieurs, ce n'est pas belote ou discussion dans le jardin en fumant vos clopes, mais aujourd'hui c'est vaisselle. Oui, papa, ton fils chéri, pépé, oncle et grand-oncle, les autres, vous êtes de corvées dans la cuisine. Enfin, sachez que vous avez été servis, choyés depuis votre arrivée ici, mais comme le temps est à l'égalité. Allez, avec des sourires bien sûr ! Que vous êtes soi-disant des hommes charmants, vous allez laisser les femmes au salon et au jardin. Nous aussi, on aime flâner le ventre plein entre les rosiers et les pivoines, on aime refaire le monde et la mode. Et ce repas vous a été préparé et servi par une équipe, la team femelle de la famille. Alors notre service est fait, à vous maintenant!"
Eh bien, vous savez quoi, ils ont ouvert des yeux ronds, les femmes aussi, mémé surtout, puis ils ont écouté, car ils sont tous en adoration devant cette jeune fille si forte, si discrète mais brillante tant dans ses études que dans ses actions associatives. Devant cette jeune femme en devenir, si belle quand elle dévoile ses longues jambes, ils ont ravalé leur salive, et même ils ont applaudi.
Certes pépé ne savait même pas comment essuyer une assiette, mais bien assis, il a fait les couverts de notre belle assemblée. Lui qui aime tant changer de vaisselle à chaque plat. Papa a rigolé avec l'oncle, fier de sa fille, dérangé peut-être mais au fond de lui, il était sûr des valeurs transmises. Fistons et cousins, tous ensemble, ils ont débarassé la table, en ricanant, mais sans rien casser, et finalement assez naturellement.
Les femmes, elles ont souri, applaudissant par la fenêtre les mâles en gants vaisselle si sexy, se moquant un peu, mais aussi gagnantes de ces minutes à savourer les rayon du soleil. Là maintenant sous la glycine, sous les odeurs fortes, en parlant de ce putsch familial. Elles ont pris le temps de partager d'autres paroles, d'autres sourires, et chacune est venu dire merci à la grande fille. Elle avait soudainement grandi pour toutes, dans leurs regards.
Depuis ce jour, la tradition est restée, personne ne s'en plaint, même pépé qui frotte les verres avec douceur, les couverts aussi et pense aux manifestations syndicalistes où il était devant. Un héritage qu'il croyait masculin.
Nylonement
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