La pièce de théâtre Game Lover utilise l'argument des jeux- vidéos pour nous faire réfléchir tout en nous divertissant.
La publicité pour cette pièce de Gaspard Boesch n'est donc pas mensongère:
"Les jeux-vidéos, on les déteste ou on les adore, mais cette fois on va en rire!"
Au lever de rideau, Clara Fox (Laurence Morisot), à la rousse chevelure, tourne le dos à la salle. Bottée, toute de cuir vêtue, pantalon et bustier moulants et sexy, pistolets aux hanches, elle se retourne et exécute des mouvements de kung-fu.
En fait Clara, qui fait fantasmer des milliers de joueurs en ligne, est l'héroïne d'un jeu-vidéo auquel se livre Simon (Gaspard Boesch). Dès qu'il a un moment ce dernier joue. A la maison, comme au bureau... Un véritable accro.
Ce que Simon voit sur son écran, le spectateur le voit donc sur scène. C'est lui qui fait mouvoir Clara et la faire se débarrasser d'ennemis qui apparaissent sur une grande toile en fond de scène.
Simon vient d'accéder au niveau 4 de son jeu-vidéo, quand celui-ci est interrompu. C'est la femme de Simon, Anaïs (Catherine Guggisberg), qui a tiré la prise.
Nous sommes le 31 au soir, un dimanche. Simon et Anaïs doivent sortir, mais, rivé à son ordi, Simon n'est pas prêt. Anaïs le secoue, lui donne
l'ordre comme à un petit garçon de ranger ses affaires, et pas n'importe comment, comme elle le lui a demandé maintes fois, et de changer de chemise...
Habillée pour sortir d'un tailleur gris classique, jupe et veste, et d'un chemisier blanc, Anaïs travaille dans
une clinique. Coiffée d'un chignon un peu trop sage, binoclarde, c'est elle qui porte la culotte. De garde trois
dimanches sur quatre, c'est justement son dimanche de libre...
Au dernier moment Simon, qui travaille dans une société financière dirigée par son beau-père, prétexte de devoir effectuer un short-selling pour obtenir d'Anaïs de s'éclipser au bureau, situé à deux pas, pendant trente minutes, pas plus. En fait il va en profiter pour jouer à son jeu-vidéo favori et y passer la nuit...
Son collègue Samir (Philippe Cohen) arrive au bureau sur ces entrefaites. Il devine tout de suite que Simon est encore en train de jouer. Une certaine Clarisse doit venir évaluer les deux brokers. Il y a de la compression de personnel dans l'air. Or, curieusement, Simon a de bons résultats et Samir pas.
Le secret de la réussite de Simon est d'avoir relié son jeu-vidéo au programme de gestion des achats et ventes en bourse que Samir a peine à utiliser. Simon gagne de l'argent tout en jouant... Ce qui est immoral et incompréhensible aux yeux de Samir... Mais Simon fait une fausse manoeuvre et Clara quitte le monde virtuel pour le monde réel...
Le premier quiproquo se produit alors. Samir croit dur comme fer que Clara n'est autre que Clarisse, et il ne veut pas se rendre à cette non-évidence qu'il y a méprise, d'autant que Clara, quand le mode autonome est activé, devient incontrôlable et est, de fait, incontrôlée par Simon...
Toujours incrédule, Samir, Doudou pour les intimes, rentré chez lui, raconte l'histoire à sa femme, Vanessa (Jade Amstel), Boubou pour les intimes, qui lui dit que tout ça, c'est bien possible. Elle l'a lu dans Cosmopolital (elle a une tendance magnifique à transformer les noms propres et à déformer les lieux communs, ce qui est d'un effet immanquablement des plus comique).
Simon, rentré chez lui, subit une scène de la part d'Anaïs qui ne croit pas non plus que Clara soit une femme virtuelle. Il s'ensuit des quiproquos révélateurs sur les relations du couple qu'ils forment.
A partir de là le spectateur est entraîné dans un tourbillon de péripéties incroyables, et qui déclenchent le fou rire. Le spectacle, trépidant, dure une heure et demie, qu'il ne voit pas passer.
A chaque changement de scène, une barre de chargement apparaît sur la toile du fond. Quand Simon joue, le monde virtuel y apparaît. Quand Clara donne des coups, ils ne sont certes pas portés (heureusement parce que l'actrice qui joue Clara est sportive), mais ponctués par un bruitage au millimètre. Le théâtre peut, avec profit, la preuve, être renforcé par des effets spéciaux...
La mise en scène de cette pièce, jouée une première fois en 2004, est de Lorenzo Gabriele. Le décor, les accessoires et musiques de Lambert Bastar. Les effets vidéo de Lionel Rudaz. Le son et lumières de Thierry von Osselt. Les costumes de Trina Lobo et Marion Schmid. Il convient de les citer parce qu'eux tous, au service des acteurs, de l'auteur et des spectateurs, contribuent à faire de ce spectacle une véritable réussite dans le genre.
Vous avez envie de rire, ce qui n'est pas du luxe en cette période de crise, allez voir cette pièce qui est à la fois une satire de la société d'aujourd'hui (notamment des relations de couple et des fantasmes masculins et féminins), et un spectacle authentique, où tous les ingrédients (particulièrement l'interprétation époustouflante des comédiens) sont réunis pour passer une excellente et réjouissante soirée.
Francis Richard
Game Lover, comédie de Gaspard Boesch, se joue au Casino Théâtre de Genève, 42 rue de Carouge, 1205.
Les représentations ont lieu jusqu'au 26 mai 2013: les mardi et vendredi à 20h00, les mercredi et jeudi à 19h00, le samedi à 21h00 et le dimanche à 19h00, relâche le lundi.