Onirisme envoûtant et poésie enchanteresse se dégagent du travail aussi épuré que spectaculaire réalisé par Philippe Awat sur la foisonnante tragi-comédie fantastique de William Shakespeare. Deux heures durant, le public est sous le charme d'acteurs remarquables et d'images sublimes, délicatement élaborées, avant de se voir submergé par l'émotion en fin de représentation. Judicieuse idée, donc, que celle du Théâtre d'Ivry Antoine Vitez d'accueillir un petit bijou créé il y a maintenant 18 mois à Créteil et à côté duquel nous étions passés. Ne commettez pas la même erreur. Le 9 juin, il sera trop tard...
"La Tempête" (tentons la concision dans notre résumé...) est celle déclenchée depuis son île d'exil par l'ancien duc de Milan, le vieux Prospero, qui souhaite provoquer le naufrage de l'embarcation de son usurpateur de frère avant de lui faire vivre l'enfer, manipulant pour cela Ariel, esprit de l'air, et Caliban, créature non identifiée. Le pardon sera toutefois l'ultime décision de cet homme prêt à quitter le monde, finalement en paix avec les siens et avec lui-même. Au coeur de l'intrigue, bien d'autres personnages, évidemment, et de nombreux thèmes traités (amour, mort, haine trahison, honneur...), du rire au drame.
La réussite d'Awat réside dans le fait qu'il a cherché, trouvé, et mis en évidence l'essence textuelle, visuelle et philosophique de cette oeuvre poignante. De sa traduction, vivante, truculente, (Benoîte Bureau) à sa scénographie (Benjamin Lebreton), abstraite et stylisée, évitant l'anecdotique, en passant par la féérie d'autant plus efficace que distillée avec parcimonie (quelques effets de lévitation, hologrammes...), et en commençant bien entendu par une parfaite direction d'acteurs.
Sur un imposant pan incliné, incurvé, déchiqueté, magnifiquement éclairé et/ou enfumé, symbolisant tour à tour l'épave du bateau, l'île et ses différents espaces, dix comédiens incarnent les héros shakespeariens. Thierry Bosc d'abord, campe un Prospero touchant et profond. Florian Guyot un incroyable Caliban. Son jeu des plus physiques avait déjà forcé notre admiration dans "Le Cercle de Craie Caucasien" au Théâtre 13 il y a peu. Là encore il signe une performance extraordinaire. Pascale Oudot, dans une tenue nous la donnant à voir nue ou presque, assume et compose un esprit joliment vaporeux, mystérieux et insaisissable dont le rire hypnotise votre esprit tel le chant d'une sirène. Angélique Zaini partage sa délicieuse et pétillante candeur avec Miranda, fille de Prospero... Mais ils sont tous excellents ! Michael Chirinian, Xavier de Guillebon, Laurent Desponds, Malik Faraoun, Serge Gaborieau, Jean Pavageau et Benjamin Egner.
Eblouissant tableau.
Allez-y.
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Photo : Bellamy