Après avoir consacré deux premiers essais aux chats, Monique Neubourg continue de creuser son sillon en proposant un nouvel opus, Brèves de chats (Chiflet et Cie, 128 pages, 10€). Pour les passionnés de félins domestiques, cet ouvrage recèle une foule d’informations, des plus pratiques aux plus insolites, où se mêlent précisions historiques, caractéristiques anatomiques, anecdotes littéraires, étymologies, records, statistiques et jusqu’aux détails les plus loufoques ou les plus inattendus que l'on puisse imaginer dans cet univers animalier.
Le livre se présente comme une flânerie au pays du matou, sans ordre alphabétique d’entrées ni classification thématique, si bien que l’on peut l’aborder librement, soit en le lisant de la première à la dernière page, soit en l’ouvrant au hasard, avec un plaisir de lecture garanti. L’ensemble, illustré de discrètes vignettes, est ponctué de citations d’auteurs du monde entier qui prouvent que l’amour des chats transcende autant les âges que les frontières.
Ainsi, ce mot de Taine, « J’ai beaucoup étudié les philosophes et les chats. La sagesse des chats est infiniment supérieure », réjouira ceux que les gesticulations d’un « philosophe » germanopratin à chemise blanche (il est vrai, plus « cabot » que félin) consternent ou agacent. Quant aux propriétaires de chats (c’est-à-dire ceux qui ont l’illusion de posséder un chat), ils pourront méditer cette phrase d’Ira Lewis : « La différence entre un chat et un chien : Le chien pense : ils me nourrissent, ils me protègent, ils m’aiment, ils doivent être des dieux. Le chat pense : Ils me nourrissent, ils me protègent, ils m’aiment, je dois être Dieu. »
Des bars à chats du Japon aux abominations de Brahms (dont le violon d’Ingres consistait à tirer ces malheureux animaux à l’arc !), du règlement de la SNCF sur les transports d’animaux à l’invention de la chatière (par Isaac Newton), de l’herbe à chat psychotrope au « Club des amis des chats » fondé par Alexandre Dumas et Guy de Maupassant, du sage Félix au lubrique Fritz, le lecteur ne cessera d’apprendre et de se divertir.
Sans doute pourra-t-on faire grief à l’auteure, lorsqu’elle cite à plusieurs reprises des œuvres d’art, d’avoir oublié le Chat assis de Barye qui est probablement la plus belle représentation sculptée jamais réalisée depuis celles de l’Egypte ancienne, mais on lui pardonnera cette omission puisqu’elle évoque l'étonnant Chat blanc de Bonnard. On lui pardonnera aussi volontiers d’avoir indiqué « kitta » comme traduction arabe du mot « chat », puisque « kitta » désigne la forme féminine (en arabe, le chat se dit « kitt »). En revanche, on fera le gros dos, sans pour autant sortir les griffes, devant le barbarisme « survirèrent » (p. 115, pour « survécurent ») qui échappa à la vigilance de la relecture.
Drôles et érudites, ces Brèves de chats sont écrites d’une plume alerte et parfois impertinente, comme l’atteste cette précision, à l’entrée « Esthétique » : « Aujourd’hui encore, des femmes telles Jocelyn Wildenstein demandent à leur chirurgien esthétique de les métamorphoser en chattes. » In cauda venenum, auraient dit les Romains (mais il ne s’agissait pas de la queue du chat !), car on ne pouvait trouver observation plus délicieusement féroce…
Illustrations : Kenzo dans son arbre - Ulysse, couché sur mon bureau, regardant le Chat assis de Barye (Photos © T. Savatier).